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vendredi 5 février 2016

Les animateurs scouts ne sont pas de sales pervers


Disons-le d’emblée : je suis rarement en accord avec les opinions de Richard Martineau. Cette fois-ci ne fait pas exception. La plupart des pédos sont des chefs scouts, vraiment? Y a-t-il vraiment lieu de se demander, chaque fois qu’on voit un homme animer aux scouts, s’il est un pépère pervers?

La chronique de Monsieur Martineau faisait référence, bien entendu, à l’arrestation de treize hommes (dont deux étaient animateurs scouts)dans le cadre de l’opération Malaise, qui ciblait un club social de présumés pédophiles. Oui, oui, un club social d’hommes qui se rencontraient pour se donner des trucs sur la meilleure façon d’approcher des enfants, s’échanger des images de pornographie junévile, et je ne sais quoi d’autre encore que je n’ose même pas imaginer.

C’est dégueulasse.

Un aller simple vers une île déserte, svp!

Je siège sur le C.A. du groupe scout de ma ville. Mon mari est animateur scout. Plusieurs de mes amis le sont aussi. Deux de mes enfants sont scouts et les deux autres le seront sans doute dès qu’ils en auront l’âge. Autant dire que le mouvement scout, je l’ai dans le cœur et je l’ai à cœur!

Malgré tout, à l’annonce de cette nouvelle dégoûtante, ce n’est pas ma solidarité et mon amour du scoutisme qui est ressorti le premier. C’est mon cœur de maman, mon désir de protéger mes enfants envers et contre tous. Une boule d’inquiétude est apparue dans mon ventre, dans ma gorge. J’avais l’impression d’être trahie, de ne plus pouvoir faire confiance à personne.

Ce jour-là, lorsque les informations concernant cette vague d’arrestations sont sorties, je n’avais qu’une envie : prendre mes enfants tout contre moi et partir vivre sur une île déserte. Loin des menaces, loin de la folie des hommes, loin des dangers.

Mais qui sont les animateurs scouts?

Une fois la poussière un peu retombée, je me suis à peu près remise de mes émotions. J’ai pensé à tous les animateurs scouts que je connais, que j’aime et que j’apprécie. Je me suis rappelée pourquoi ils animaient.

Plusieurs ont été scouts eux-mêmes, alors qu’ils étaient enfants. Mon mari fait partie de ces enfants qui ont pu grandir, s’épanouir et se développer grâce au scoutisme. Leur sentiment d’appartenance au mouvement est extrêmement puissant en raison de toutes les expériences formidables qu’il leur a fait vivre. Passionnés, scouts jusqu’au plus profond de leur âme, ils veulent maintenant transmettre aux enfants les valeurs qu’ils ont apprises. Ils ont tant reçu du scoutisme qu’ils se font un point d’honneur de donner au suivant.

D’autres sont devenus animateurs quand leurs enfants sont entrés dans les scouts. Bien souvent, c’était une façon parfaite de faire une activité avec leur progéniture et de partager des expériences extraordinaires avec eux. La plupart se sont laissé prendre par la passion du scoutisme et n’ont jamais cessé d’animer ou de s’impliquer au sein du mouvement, même une fois leurs enfants rendus grands!

D’autres n’ont pas d’enfants, et n’ont pas été scouts lorsqu’ils étaient enfants non plus. Ils sont là parce qu’ils ont le bien-être des jeunes à cœur, leur instinct maternel ou paternel est souvent très fort, et ils veulent contribuer à l’épanouissement des enfants qui leur sont confiés à titre d’animateur. Parce que ça se peut, vous savez, aimer les enfants, purement et simplement.

Comment fait-on pour devenir animateur?

Depuis le démantèlement du club social de présumés pédophiles, j’en ai entendu des vertes et des pas mûres à propos des scouts. Certains croient que n’importe qui peut devenir animateur n’importe comment. Qu’on entre dans le mouvement scout aussi facilement que dans un moulin.

Mais bien sûr que non! Je serais la première à retirer mes enfants du groupe scout si les procédures de recrutement n’étaient pas assez strictes, croyez-moi. L’Association des scouts du Canada a un protocole officiel très rigoureux pour quiconque veut devenir animateur.

D’abord, sachez que les antécédents judiciaires de tous les candidats sont vérifiés par les corps policiers. Ensuite, ils doivent passer une entrevue avec des membres gestionnaires ou des animateurs chevronnés, et donner des références qui seront scrupuleusement vérifiées.

Ensuite, ils sont soumis à une période de probation. Une fois mis en contact avec les jeunes, et ceci est valable pour tous les animateurs sans exception, ils doivent respecter un Code de conduite à la lettre. De plus, notre groupe a comme règle d’or qu’un jeune ne doit jamais être seul avec un animateur, en aucune circonstance. Cette règle vise à la fois à protéger les enfants et les animateurs qui, malheureusement, pourraient aussi être accusés à tort d’attouchements sexuels.

Les animateurs se doivent d’être toujours au-dessus de tout soupçon, c’est primordial.

Pourrait-on faire plus pour protéger les enfants?

Bouleversée par les événements, et probablement portée par ma formation en travail social, j’ai tenté d’en savoir plus sur les agresseurs sexuels. J’ai donc contacté une intervenante sociale oeuvrant auprès de victimes d’agressions sexuelles pour lui poser des questions.

En tant que groupe scout, malgré toutes les procédures, règles et codes de conduite que nous mettons en application, que peut-on faire de plus pour nous assurer qu’aucun pédophile ne réussisse à s’infiltrer chez nous? Y a-t-il des traits communs, des indices, des choses qui pourraient nous mettre la puce à l’oreille pour les détecter?

La réponse de l’intervenante fut très claire : non. Les pédophiles sont des êtres extrêmement manipulateurs, charmeurs et qui tentent par tous les moyens d’atteindre leur but. Ils sont subtils, prennent leur temps pour n’éveiller aucun soupçon et sont même généralement très appréciés des jeunes autour d’eux.

Ils viennent de tous horizons, sont beaux ou laids, jeunes ou vieux, pères ou célibataires. Les mesures de sécurité que nous avons mis en place sont déjà très strictes et nous pouvons difficilement faire plus, sauf rester vigilants et appliquer la politique de tolérance zéro envers tout manquement au code d’éthique.

L’intervenante m’a aussi rappelé que personne, ni les jeunes, ni les parents, ni les groupes scouts ne devait se sentir coupable de la situation. Les seuls coupables, ce sont ces hommes qui ont mal agi, et personne d’autre. Elle a bien raison.

Il ne suffit que d’une pomme pourrie…

Au cours des derniers jours, je suis passée par toute la gamme des émotions. J’ai été dégoûtée, scandalisée, effrayée, inquiète. Méfiante, en colère. Puis, déterminée à défendre le mouvement scout et à être solidaire envers tous les animateurs qui voyaient désormais leur passion transformée en déviance dans l’œil public.

Ces hommes, accusés d’actes dégoûtants, ont terni l’image du scoutisme. Ça me fâche et m’attriste à la fois.

Mais ce qui me blesse le plus, c’est de penser à mon mari et mes amis animateurs scouts qui, parce qu’ils sont des hommes, sont désormais regardés par certains avec méfiance. Des hommes qui aiment être avec des enfants? Voilà qui, tout à coup, semble bien louche…

C’est d’une tristesse infinie. Il n’aura suffi que de quelques individus déviants pour qu’on oublie que 99,9 % des animateurs scouts se dévouent, cœurs et âmes, pour le bien-être des jeunes. C’est profondément injuste.

Je les connais, moi, les animateurs. Je sais ce qui les anime, Daniel, Alexandre, Francis, Jean-Philippe, Marc-André, Sébastien, Samuel, Simon, François et tous les autres. Ce n’est pas une attirance scabreuse envers les enfants. C’est un amour pur du scoutisme, une passion pour les valeurs que voulait transmettre Baden-Powell et un plaisir honnête et sans aucune arrière-pensée d’être avec des enfants.

Non, les animateurs scouts ne sont pas de sales pervers. De sales pervers se sont infiltrés parmi les animateurs scouts. Toute la nuance est là.



mardi 2 février 2016

Avoir une maladie rare, c'est...

Petit rappel des faits : grande M. est atteinte d’hyperplasie congénitale des surrénales, communément appelée HCS. Il s’agit d’une maladie rare, qui existe en plusieurs variantes selon l’état de dysfonctionnement des glandes surrénales. En résumé, grande M. produit trop d’androgènes (hormones de croissance et de développement masculines) et trop peu de cortisol (hormone de stress). L’excès d’androgènes fait en sorte que sa puberté a commencé à l’âge de 5 ans et que son âge osseux est deux ans plus vieux que son âge réel. Le faible taux de cortisol, quant à lui, empêche son corps de réagir adéquatement au stress causé par les maladies, principalement en cas de fièvre et de gastro-entérite. Son corps, ne pouvant pas « bio-chimiquement » bien réagir en cas de virus, peut rapidement tomber en état de choc qui nécessite une hospitalisation d’urgence. Ça nous est arrivé seulement deux fois, heureusement, mais c’est paniquant en titi!

Afin de rétablir l’équilibre hormonal de grande M., elle doit prendre de la cortisone, qui vise à remplacer le cortisol qu’elle ne produit pas naturellement et qui freine (ou du moins diminue) la production excessive d’androgènes et donc ralentit sa croissance trop rapide et sa puberté hâtive. Elle prend sa médication deux fois par jour depuis ses 5 ans, et nous devons ajuster sa dose de médicaments selon le degré de fièvre qu’elle fait lorsqu’elle est malade. Si elle a des vomissements et ne peut prendre sa médication par la bouche, nous devons lui donner sa médication en intraveineuse de façon urgente et l’emmener à l’hôpital.


Avoir une maladie rare, c’est… Accepter le flou. Devoir faire confiance aux médecins, même quand eux-mêmes admettent ne pas savoir exactement quoi faire. Être confus quand plusieurs spécialistes chevronnés se contredisent. Comprendre que l’essai-erreur sera la seule façon de trouver le bon traitement, faute de protocole clair.

C’est, en tout cas, ce que je retiens de notre dernière visite à l’hôpital pour le suivi en endocrinologie de grande M. Comme à chaque fois, nous avons d’abord vu un sympathique résident qui a fait l’examen de grande M. et nous a posé mille questions sur son état de santé, son développement, etc.

Sympathique résident, à la fin de la rencontre : « Alors, tout semble beau, je vous renouvelle la prescription de cortisone et on continue comme ça. »

Moi : « Maintenant qu’elle a onze ans et que sa puberté est bien entamée, est-ce que ça change quelque chose au niveau de sa médication? Le médecin que nous avons vu la dernière fois semblait dire qu’on pourrait peut-être l’arrêter éventuellement, mais un autre nous a dit que non. »

Sympathique résident : « Techniquement, la médication est à vie. Ses glandes surrénales sont défectueuses et le seront pour toujours. Mais je peux vérifier avec mon patron. »

Moi : « D’accord. C’est juste par curiosité, parce que j’entends des avis divergents et j’aimerais bien savoir à quoi nous attendre. »

Le résident quitte et va chercher un médecin que nous connaissons bien, très sympathique et extrêmement expérimenté.

Docteur expérimenté : « Alors, mon sympathique résident m’a dit que vous vous questionniez sur la suite du traitement pour grande M. »

Moi : « Oui, les différents médecins que nous avons vus nous ont donné des informations divergentes, et sur les forums de discussion sur l’HCS, les gens ont toutes sortes de traitements différents pour la même maladie. J’étais juste curieuse de savoir vers quoi on s’en va pour grande M. »

Docteur expérimenté, visiblement passionné : « Vous savez, l’HCS est une maladie rare et peu étudiée. C’est donc vraiment du cas par cas. On ne sait pas vraiment ce qui arrivera si on cesse la médication de grande M., mais une fois sa puberté et sa croissance terminée, ce serait intéressant d’essayer de l'arrêter si elle le souhaite. Il est possible que ses glandes surrénales, une fois cette période hormonale intense terminée, soient capable de compenser pour le déficit en cortisol. Sauf, bien sûr, en cas de maladie, où il faudrait peut-être qu’elle prenne des médicaments. »

Sympathique résident, aussi étonné que moi : « Ah oui? On nous a toujours dit, à l’école, que la médication devait être poursuivie. »

Docteur expérimenté : « Oui, mais (blablabla, jargon incompréhensible de médecins, tandis que grande M. et moi nous regardons avec de grands yeux). »

Sympathique résident, se tournant vers moi : « Vous m’aviez dit que vous aviez eu des opinions médicales divergentes, c’est encore le cas aujourd’hui! »

Moi : « Oui, en effet! »

Docteur expérimenté : « En France, ils sont beaucoup plus interventionnistes qu’ici et médicamentent systématiquement. Ici, au Québec, nous avons tendance à donner le moins de médication possible pour cette maladie. Je suis d’avis que dans le cas de grande M., il pourra être intéressant de cesser la médication, juste pour voir si son corps réagira bien. Bien entendu, si éventuellement ses règles stoppent ou qu’elle a des problèmes de fertilité, il faudra reconsidérer la chose. Qu’en penses-tu, grande M.? »

Grande M., complètement confuse : « … »

Moi : « Il va falloir y penser. C’est un peu mélangeant, tout ça. »

Docteur expérimenté : « Elle a onze ans. Je vous propose qu’on en reparle quand elle aura 14 ans. À ce moment, peut-être que d’autres études auront été faites et que de nouvelles connaissances auront changé la donne. De plus, ce n’est pas avant cet âge-là que sa croissance et sa puberté seront stables. Et à 14 ans, elle aura l’âge légal de prendre la décision concernant son traitement. Qu’en dites-vous? »

Nous avons acquiescé. Donc, d’ici à ce qu’elle ait 14 ans, elle continue de prendre ses médicaments quotidiennement. Ensuite, on verra.


On verra. Combien de fois me suis-je dit ça, concernant ma grande M., mon enfant boite à surprise qui ne fait rien comme les autres?