Vous trouvez peut-être que je suis en retard pour écrire sur
l’affaire Mélodie Nelson, cette maman qui s’est fait expulser deux fois plutôt
qu’une d’une pataugeoire publique pour y avoir allaité son bambin.
Je sais, je suis en retard! Le « buzz » est passé,
comme on dit. Mais j’étais incapable d’écrire sur ce sujet plus tôt, tellement
j’étais en colère par toute cette histoire. Les mots se bousculaient, les idées
tourbillonnaient, et moi, je rageais!
Comment peut-on concevoir qu’en 2014, après des années de
luttes féministes, on voie encore le corps de la femme comme un objet sexuel?
Et ce, dans toutes les circonstances, même les moins sexuelles, sensuelles et
aguichantes?
Ça me choque et ça me déprime en même temps. En tant que
société, quel message envoyons-nous à nos filles?
Bon, voilà que je m’emporte à nouveau!
Revenons-en au fait.
Ce qui s’est passé : une maman est à la
pataugeoire avec ses deux jeunes enfants. Son bambin éprouve soudain un besoin
(physique ou psychologique, peu importe!) de téter. La maman, attentive à son
enfant, le prend et lui donne le sein. Point. Fin de l’histoire. Finito.
Avez-vous lu quelque chose de sexuel là-dedans?
Ce qui ne s’est PAS passé : La maman, tout en
allaitant, n’a pas dénudé sa poitrine au complet de façon suggestive. Elle ne s’est
pas léché les lèvres de façon aguichante en faisant des clins d’œil cochons aux
autres baigneurs. Elle ne s’est pas mis la main dans la culotte pour se
masturber. Elle ne s’est pas tripoté l’autre mamelon de façon sexy pendant que
son bébé buvait à l’autre sein.
Pantoute. Pas du tout. Il n’y avait RIEN de sexuel dans son
geste, ni dans son intention, et je suis pas mal sûre dans ses pensées non
plus.
Pourtant, des gens se sont sentis « mal à l’aise »
qu’elle ait allaité en public. Pourquoi? Parce qu’ils perçoivent le sein de
façon sexuel uniquement.
Alors, qui est le plus pervers? La maman qui accomplit le
geste de nourrir son enfant avec sa glande mammaire, son sein, qui a été conçu
pour ça par la nature? Ou celui qui la regarde faire et qui voit tellement ce
geste de façon sexuel qu’il en éprouve un malaise?
La perversion est dans le regard de celui qui regarde.
Le sein est une partie de l’anatomie féminine qui, dans
notre société, est principalement considéré comme sexuel. Pourtant, pour
certaines personnes, ce sont d’autres parties du corps qui sont excitantes
sexuellement.
Prenons par exemple une personne qui est excitée par les
pieds. Imaginez que vous êtes à la piscine municipale et, bien entendu, vous
vous promenez pieds nus. Le sauveteur vient alors vous voir et vous dit : « Excusez-moi,
mais un monsieur a vu vos pieds nus et ça lui crée un certain malaise.
Pourriez-vous mettre des bas, sinon vous devrez quitter la piscine. »
Auriez-vous accepté de partir? Certainement pas! Auriez-vous
mis vos bas? Vos gougounes, au moins? Même pas? Je parie que vous auriez
répondu au sauveteur que si le monsieur en question est si mal à l’aise de voir
vos pieds, il n’a qu’à quitter les lieux lui-même ou à regarder ailleurs.
Ça semble absurde? Eh bien, c’est aussi absurde que ce qui
est arrivé à Mélodie.
Voici maintenant quelques arguments lancés par ceux qui ont
un malaise face à l’allaitement en public :
« Oui, mais des
seins, c’est une zone érogène! »
Ben oui, comme tout plein d’autres parties de notre corps.
Les lèvres, par exemple, sont une zone très sensible et c’est pourquoi c’est si
agréable et excitant de s’embrasser.
S’il faut cacher les seins en tout temps, même lorsqu’ils
servent à l’allaitement, sous prétexte que c’est une zone érogène, je propose
aussi qu’on se cache les lèvres. C’est beaucoup trop sexuel de montrer ses
lèvres en dehors de la chambre à coucher.
« Allaiter, c’est
un acte intime entre la maman et le bébé »
Embrasser quelqu’un est aussi un acte intime. Pourtant, nous
avons tous déjà embrassé l’être aimé en public sur les lèvres!
Donc, puisque les lèvres sont une zone érogène, et que s’embrasser
est un acte intime entre deux personnes, c’est aussi sexuel qu’allaiter!
C’est pour ces raisons que je propose, afin d’éviter tout
malaise, que soient créés dans les lieux publics, des « salles d’embrassement »,
au même titre qu’ont été créées les salles d’allaitement.
Vous pourrez donc vous y rendre si vous avez l’envie ou le
besoin d’embrasser l’être aimé lorsque vous vous trouvez dans un lieu public.
« Ben là, je ne
choisis pas quand j’ai le goût de donner un bisou à mon partenaire! Des fois, c’est
spontané, juste parce que j’ai une bouffée d’amour et de tendresse! Je ne
planifie pas tout le temps ça! »
Ben, imagine-toi donc que c’est pareil pour l’allaitement!
Si je suis au centre d’achat, dans l’allée A, et que la salle d’allaitement est
au fin fond de l’allée Y, ça se peut fort bien que je décide d’allaiter bébé
sur place s’il a soif. Lui aussi, ses besoins de bébés sont spontanés et non
planifiés!
« OK, mais si j’ai
le goût d’embrasser mon amoureux pareil, au moment où j’en ressens l’envie? Et
s’il n’y a pas de salle d’embrassement où je me trouve? »
Ah, ben là, tu as plusieurs options : 1) quitter les
lieux; 2 ) vous cacher sous une couverture; 3) vous cacher sous un torchon,
un linge à vaisselle ou n’importe quel autre bout de tissu que quelqu’un d’outré
par vos baisers vous aura donné; 4) vous cacher sous un « tablier
d’embrassement » sous lequel vous aurez beaucoup trop chaud; 5) aller vous embrasser aux toilettes ou dans
une salle d’essayage.
Oui, parce que le malaise potentiel que pourrait ressentir le
pervers cochon obsédé sexuel la personne sensible qui te voit
embrasser la personne que tu aimes est beaucoup plus important que ton besoin d’exprimer
cette marque d’affection.
« C’est vraiment
ridicule! Ce n’est pas sexuel, quand j’embrasse la personne que j’aime, c’est
juste beau, doux, et plein d’amour! »
Tu as parfaitement raison. L’allaitement aussi!
Encore une fois, cette analogie semble absurde, non?
Vous aurez sans doute perçu le cynisme et l’ironie sous mon
idée de « salles d’embrassement ». C’est que, voyez-vous, j’ai toujours
trouvé que les salles d’allaitement sont une fausse bonne idée.
Bonne idée parce que ça permet aux mères d’allaiter
calmement, sans avoir à subir le regard des gens sur elles.
Mauvaise idée, parce qu’à vouloir cacher l’allaitement, ça
envoie le message que c’est toléré, mais pas accepté. Si on veut que l’allaitement soit considéré comme
parfaitement normal, il faudra bien un jour cesser de se cacher pour le faire,
non?
Tout le monde médical met une pression énorme sur les mamans
pour qu’elles allaitent. Mais quand elles le font, elles doivent s’isoler, se
cacher, ne pas le faire trop longtemps ni trop souvent.
Et surtout, surtout ne pas montrer trop de sein. Parce qu’il
y a des pervers cochons obsédés sexuels gens qui ne
peuvent s’empêcher de penser au sexe quand ils voient un petit bout de sein qui
dépasse derrière la tête d’un bébé qui tète. Beurk, j’écris ça et ça sonne
vraiment malsain, non?
L’allaitement n’est pas sexuel. Les seins et le corps de la
femme ne sont pas des objets sexuels non plus.
L’allaitement est un geste normal, naturel et rempli d’amour.
Qu’on se le tienne pour dit, une fois pour toutes!
Je suis tout à fait d'accord avec toi ... mon sang n'a fait qu'un tour avec cette histoire là. D' un côté on prône l'allaitement, mais de l'autre il ne faut pas que ça paraisse. De tout façon tout ce qui touche à l'enfance et les femmes est un peu traité de cette façon. On octroie des subventions pour augmenter la natalité, mais des enfants qui crie au resto ou à l'épicerie personne n'en veut. De même qu'on les veut tous assis, tranquilles, silencieux et soumis à l'école. Les femmes font des bébés ... sans elles le monde ne serait pas. Mais les congés de maternité sont à durée déterminée, pas questions de ralentir le rythme lorsqu'on a nos règles, que l'on allaite ou que simplement une épidémie de gastro sévit dans la fratrie (ou parfois les trois en même temps !!!) Il faudrait faire des bébés, accoucher sans crier, allaiter sans que cela ne paraisse, élever une trâlée d'enfant tout en travaillant 40 h semaine et en tenant une maison impeccable sans oublier de bénévoler au foyer de personnes âgées du quartier. Courage c'est l'été; on peut allaiter en bikini, les doigts de pieds en éventail et ceux à qui ça déplait, n'ont qu'à pas regarder !
RépondreEffacer"On octroie des subventions pour augmenter la natalité, mais des enfants qui crie au resto ou à l'épicerie personne n'en veut. De même qu'on les veut tous assis, tranquilles, silencieux et soumis à l'école."
EffacerC'est tellement vrai, ce que tu dis! Ça dérange, des enfants. Ça crie, ça joue, ça rit, ça court. Des fois, ça ose même jouer au hockey dans la rue! Ça bouge, ces petites bibittes-là!
Je trouve que nous sommes dans une société très intolérante par rapport aux enfants. Et si on les laissait, justement, être des enfants?
J'adore ce texte!! (comme tout tes autres textes, d'ailleurs) Tu es une femme avec une mentalité et des valeurs extraordinaire, une très belle source d'inspiration. Ton texte sur le gluten me fait particulièrement réfléchir...j'ai le goût de l'essayer pour Xavier.
RépondreEffacerGeneviève B. :)
Merci, ma belle Geneviève, pour tes mots si gentils! Je pense à toi et à Xavier très souvent, j'espère que nous aurons l'occasion de nous revoir un de ces jours. xxx
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