J’aime mieux laver mes toilettes que monter un portfolio

Bizarre, mais vrai. Je préfère aussi laver ma vaisselle, plier du linge, récurer mon plancher et changer des couches vraiment puantes. Bref, rien ne me rebute autant que monter le portfolio de mes enfants.

D’abord, qu’est-ce que le portfolio? Il s’agit d’un cartable contenant un échantillonnage de travaux effectués tout au long de l’année par les enfants. Les enfants qui vont à l’école en ont souvent un, qu’ils rapportent à la maison quelques fois pendant l’année pour montrer à leurs parents leurs travaux coups de cœur, des bricolages, des autoévaluations, etc.

Dans notre cas, puisque nous faisons l’école à la maison, le portfolio prend une très grande importance, puisqu’il s’agit de l’outil principal d’évaluation que nous présentons au directeur de l’école de quartier à la fin de l’année scolaire. Ce dernier doit attester que l’expérience éducative que nous offrons à nos enfants est équivalente à celle qu’ils recevraient s’ils allaient à l’école. Notre portfolio doit donc être suffisamment complet et étoffé pour bien démontrer 1) que je scolarise bel et bien mes enfants; 2) que je suis le programme du Ministère de l’Éducation et 3) que mes enfants progressent bien dans leurs apprentissages.

Chaque fois que je dois monter le portfolio de mes enfants, je croule sous la pression et l’angoisse. Ne vous méprenez pas : j’ai une tonne de travaux, photos, recherches, projets, dessins et autres trucs à y mettre, et je suis très fière de tout ce que mes enfants ont accompli au cours de l’année scolaire! Mais la pression qui repose sur mes épaules, soit de prouver au directeur de l’école que ce que je fais avec mes enfants est correct, me pèse au plus haut point.

Il faut dire que notre relation avec la commission scolaire et le directeur de l’école du quartier est très tendue. Je n’entrerai pas dans tous les détails, mais je vous résumerai simplement la situation comme ceci : ils ne connaissent visiblement pas ce qu’est l’école-maison. J’ai la forte impression qu’ils voudraient qu’on fasse « pareil comme à l’école », mais à la maison. Et ce n’est pas du tout ainsi que nous fonctionnons! Si j’avais voulu faire « pareil comme à l’école », je ne me donnerais pas toute cette peine et j’enverrais mes enfants à l’école directement. Nous voulons faire autrement. Mais nous n’entrons plus dans leurs protocoles, leurs petites cases et leurs formulaires, et je crois bien que nous sommes un énorme problème pour le système scolaire qui ne sait plus trop quoi faire de nous…

Chaque fois que je monte le portfolio de mes enfants, je me rappelle que je devrai bientôt rencontrer le directeur de l’école et mon cœur se serre. Parce que je sais que peu importe ce que je ferai, peu importe la qualité de leurs portfolios, peu importe ce que je fais pour lui démontrer ma capacité à accompagner mes enfants dans leurs apprentissages, j’ai l’impression que ce ne sera jamais assez pour lui. Comme une bataille perdue d’avance…

S’il savait pourtant comme nous sommes heureux, comme mes enfants sont curieux, épanouis, comme les difficultés de M. ne sont plus un obstacle à ses réussites, comme nous faisons de belles rencontres, de belles sorties, de belles découvertes!

Je ne peux pas changer sa façon de voir les choses, ni la façon dont fonctionne la commission scolaire. Tout ce que je peux faire, c’est monter ces fameux portfolios et me remplir le cœur de fierté en constatant tout ce que mes enfants apprennent et accomplissent. Et me relever les manches pour continuer de me battre pour faire valoir notre choix de scolariser nos enfants à la maison.