Je déteste magasiner. Je n’aime pas la mode et je ne m’intéresse
pas aux nouvelles tendances qui de toute façon, ne seront plus en vogue dans
quelques mois à peine.
Je trouve toujours que les vêtements sont trop chers et pas
assez confortables ou pratiques.
De toute façon, je me trouve rarement belle, peu importe ce
que je porte. Je considère que je n’ai aucun sens du style et je finis toujours
par me comparer aux autres femmes de mon entourage et à les trouver plus belles
que moi, plus sophistiquées, plus féminines… plus tout, quoi.
Au cours des quatre dernières années, en raison de mes
grossesses rapprochées pour petit L. et petite É., j’ai porté presque exclusivement
des vêtements de maternité. Et ça me convenait très bien. C’était confortable,
pas compliqué et, enceinte, tout le monde nous trouve belle avec nos rondeurs
peu importe ce qu’on a sur le dos.
Maintenant que petite É. a 17 mois et que la famille est bel
et bien terminée, il a bien fallu que je me résigne à cesser de porter des
vêtements de maternité. De toute façon, ils étaient rendus beaucoup trop grands
(Dieu merci!).
Je n’ai pas eu à m’acheter trop de nouveaux vêtements, car j’ai
enfin pu remettre ceux que je portais avant mes deux dernières grossesses et
que j’avais conservés. Je me suis procuré quelques chandails de base neufs et
ma sœur m’a donné plein de jeans qui ne lui font plus. Hourra! Je n’ai pas eu
trop de magasinage à faire!
Sauf que… mes beaux-parents organisent une fête pour
célébrer leur anniversaire de mariage. Ce sera une superbe soirée, j’en suis
certaine, et j’ai déjà très hâte de m’amuser avec tous les membres de la
famille. Mais… ça se déroulera dans un hôtel et je devrai m’habiller « chic ».
Et je n’avais plus aucun vêtement convenable à mettre pour ce type d’occasion!
J’ai reporté le plus longtemps possible ma séance de
magasinage obligatoire. J’avais toujours une bonne excuse pour ne pas y aller.
Alors, dimanche dernier, Alexandre m’a tout bonnement annoncé qu’il m’emmenait
magasiner. Il avait même déjà tout organisé avec mes beaux-parents pour qu’ils
gardent les enfants ce jour-là. Je me suis fait un peu avoir par mon mari,
quoi!
Après avoir déposé notre marmaille chez papi et mamie, nous
nous sommes rendus au centre commercial. Je n’avais pas vraiment envie de
magasiner, mais j’étais contente de passer du temps seule à seul avec mon
amoureux.
Déterminée à faire ça vite, j’ai tout de suite essayé
quelques morceaux dans la première boutique où nous sommes allés. J’ai vite déchanté :
les jupes et les chemisiers que j’avais choisis ne m’allaient pas du tout. J’avais
l’air d’une grand-mère et la coupe n’était pas flatteuse du tout.
Sur le coup, j’ai failli faire comme d’habitude et me dire :
« Bof, tant pis si c’est ordinaire, je prends ça quand même ». Mais
cette fois, je me suis regardée dans le miroir de la cabine, dans les vêtements
moches que j’avais choisis par erreur, et je me suis dit que j’avais envie de
me trouver belle. Que je méritais d’avoir une tenue qui me mettrait en valeur.
Que mon corps qui m’a donné quatre beaux enfants a assez bien travaillé pour
valoir la peine que j’en sois fière.
Je suis sortie de la cabine, ai donné les vêtements à la
vendeuse en lui disant que ça ne convenait pas, et nous sommes sortis de la
boutique. Direction une autre boutique, plus jeune, plus hip, plus
amusante. Je n’ai que 33 ans et j’ai bien envie de danser et de m’amuser, à
cette fête!
Nous sommes donc entrés dans une boutique complètement
différente de la première. J’ai regardé tout autour de moi, perdue comme d’habitude
dans ce genre d’endroit, n’ayant aucune idée de ce que je voulais vraiment et
de ce qui m’irait. Une vendeuse s’est approchée et m’a demandé si elle pouvait
m’aider. Oh oui, elle pouvait tellement m’aider, elle ne savait pas à quel
point!
Moi, hésitante : « Je cherche des vêtements pour
une soirée un chic, je n’ai plus rien à porter, mais je ne sais pas trop ce que
je veux… »
Vendeuse : « Une
jupe, une robe ou un pantalon propre? »
Moi : « J’ai envie d’une robe, ça fait longtemps
que je n’en ai pas porté, mais j’allaite encore des fois ma petite dernière…
Peut-être qu’une jupe serait mieux? »
Alexandre : « Julie, petite É. a 17 mois, tu ne l’allaites
plus très souvent. Si tu veux une robe, c’est ça que tu devrais prendre. »
Moi : « OK, mais pas trop courte, et pas trop
décolletée. Je suis toujours penchée pour courir après mes deux plus jeunes… »
Vendeuse : « Cherchez-vous une couleur en
particulier? »
Moi : « Euh… noire? Pour pouvoir l’accessoiriser à
mon goût? »
Vendeuse : « Quelle taille portez-vous? »
Moi : « Je ne sais plus! »
Et la vendeuse me demande de la suivre alors qu’elle me
montre une panoplie de robes noires de styles variés. Nous en avons sélectionné
quelques-unes ensemble et nous sommes dirigés vers la cabine d’essayage.
La première robe que j’ai essayée était très ajustée et
mettait mes courbes en valeur. Alexandre a ouvert grand les yeux quand j’ai
ouvert la porte de la cabine pour lui montrer.
Moi : « Regarde! Ça me fait! Et on ne voit même
pas mon ventre mou! »
La vendeuse, qui passait par là : « Oh, c’est
joli! Mais attendez un instant… »
Elle part, puis revient avec une paire d’escarpins noirs à
très hauts talons. Bon sang, moi qui ne porte que des souliers plats depuis des
années pour pouvoir courir après mes petits… J’ai enfilé les souliers et une
transformation s’est faite instantanément. Je n’avais plus l’air d’une maman
déguisée en madame chic. J’avais l’air d’une femme, jeune, et belle, et
féminine. Je ne voyais plus mon bedon trop flasque à mon goût ni mon éternelle
queue de cheval de maman.
Je n’ai plus vu Julie, la maman de grande M., grand A.,
petit L. et petite É. J’ai vu Julie la jeune femme (parce que 33 ans, c’est
encore jeune, non?). Et ça m’a fait un bien fou.
Néanmoins, cette petite robe noire était un peu trop sexy et
moulante à mon goût. Je l’ai donc retirée pour en essayer une autre. La
deuxième robe était de type portefeuille, très ample. Très confortable, donc,
mais… il manquait un petit quelque chose. Trop ordinaire.
La troisième petite robe était parfaite. Aussitôt que je l’ai
enfilée, je me suis sentie bien. Jolie, simple, féminine, mais pas trop sexy, c’était
parfait! Elle était même un peu trop grande pour moi, ce qui m’a fait réaliser
que je m’imagine encore plus grosse que je ne le suis vraiment. La vendeuse m’a
donc apporté la taille plus petite, qui m’allait parfaitement.
La vendeuse a aussi apporté un large ruban de satin pour en
faire une ceinture, ce qui apportait un joli complément à la robe. Alexandre me
trouvait belle, je l’ai vu dans ses yeux. La vendeuse s’extasiait. Mais
surtout, moi, je me trouvais jolie pour une fois!
Pour la première fois depuis des années, j’ai une petite
robe noire qui me va comme un gant. Ne me reste plus qu’à me trouver des
souliers, car il n’est pas question que je mette me éternels souliers plats
cette fois-ci!
Sur le chemin du retour, après notre séance de magasinage, j’ai
remercié Alexandre de m’avoir forcée à me trouver une tenue qui me ferait me
sentir bien. Il était plutôt fier de son coup. Il m’aime tellement plus que je
m’aime moi-même…
Je suis tellement critique envers moi-même… J’ai même
beaucoup hésité avant d’écrire ce texte, car je me demandais si ça manquait de
modestie ou d’humilité de dire que je me trouvais belle dans ma nouvelle robe!
Je pense que j’ai encore beaucoup de travail à faire sur mon estime de moi.
Mais peut-être que cette démarche commencera par une petite robe noire? On
verra bien…