Qui suis-je?

jeudi 19 novembre 2015

Dys, dys, dys...

Prologue

Beurk! Je suis dégoûtée de la race humaine, depuis quelque temps, et je ne souhaiterais qu’une chose : partir, m’en aller avec ma petite famille sur une île déserte, loin de la folie et de la violence des Hommes.

On dirait qu’avec tous ces drames, Paris, le terrorisme, et toutes les horreurs qui se déroulent chaque jour dans beaucoup trop d’autres pays du monde, je suis un peu gênée de venir parler de mon petit quotidien et de mes petites misères si vaines ici.

Malgré tout, la Terre continue de tourner et il faut bien vivre… Et surtout apprécier, savourer chaque instant où nous sommes aimés, sains et saufs, où nous avons mangé à notre faim, où nous n’avons pas craint pour notre sécurité, où nous avons pu boire de l’eau potable, dormir bien au chaud dans un lit confortable. Bref, vivre décemment, tout simplement.

Et un dys de plus pour ma grande!

Je pensais, maintenant que je n’enseigne plus qu’à ma grande M. cette année, que les choses seraient plus faciles. Que d’enseigner à un enfant plutôt qu’à deux serait une vraie partie de plaisir. Que de pouvoir me concentrer sur elle uniquement irait bien mieux.

J’avais tout faux.

Faire l’école à la maison à un enfant qui a de multiples et importants troubles d’apprentissage est un défi constant. À son déficit d’attention, sa dyspraxie, sa dyslexie et sa dysorthographie s’ajoute maintenant une hypothèse (à peu près sûre) de dyscalculie. En matière de dys, elle a gagné le gros lot!

C’est donc dire que tous ses apprentissages, autant en français qu’en maths, sont laborieux. Grande M. apprend, progresse, sans contredit. Mais lentement. Si lentement.

Chaque jour, je répète inlassablement avec elle des leçons que nous avons déjà vues mille fois. Quand je vois un blocage, je dois répéter, réexpliquer autrement, trouver une autre approche, une autre méthode, dans l’espoir que la notion en question s’enregistre dans son cerveau.

Parfois, bingo! Elle a compris! Et le lendemain, ou quelques jours plus tard, quand je fais une révision avec elle, ses connaissances semblent évaporées. Son cerveau enregistre les informations de façon désordonnée dans sa tête. Souvent, les connaissances sont là, bien classées dans un tiroir dans son coco, mais où? Dans quel tiroir? Comment le retrouver pour avoir accès à ces savoirs que nous avons vus et revus si souvent?

C’est un grand, très grand défi. Pour elle, bien sûr. Mais pour moi aussi. Car un des plaisirs d’enseigner à ses enfants, c’est de voir l’étincelle dans leurs yeux, quand ils ont compris la matière. C’est de voir leurs progrès, et de ressentir la fierté de les avoir accompagnés dans leur développement et leurs apprentissages. C’est extrêmement valorisant et ça donne la motivation de continuer. J’avais ça, avec grand A.
Cette année, maintenant que grand A. est retourné à l’école, j’ai beaucoup moins de ces moments magiques où on constate que notre enfant progresse bien. Parce qu’avec grande M., ces moments sont rares et je ne peux jamais les tenir pour acquis.

Ce n’est pas sa faute, je ne lui en veux pas du tout! Je sais bien que son cerveau est fait comme ça et qu’elle n’y peut rien. Je veux l’aider, l’accompagner, la voir grandir et s’épanouir. Je suis là pour elle et pas question que je la laisse tomber. Mais c’est dur.

Pas d’école privée l’an prochain, finalement…

Grande M. n’a pas été acceptée à l’école secondaire privée où nous espérions l’envoyer. Même pas dans le programme avec soutien, dans lequel elle aurait pu faire ses secondaires 1 et 2 sur trois ans dans un groupe réduit. Elle a passé son test de classement en français, ce qui est réjouissant, mais a solidement échoué en maths. L’école privée juge qu’elle aurait besoin de beaucoup plus d’aide que ce qu’ils peuvent offrir.

Nous devons donc nous tourner vers l’école secondaire publique, peut-être vers un programme de cheminement particulier ou la formation préparatoire au travail. Je ne sais pas. Elle sera évaluée à deux reprises par l’école de quartier, en cours d’année, pour voir où elle sera le mieux l’an prochain, au secondaire.

Je suis inquiète. Je me sens poche. J’aurais voulu pouvoir l’aider davantage.

J’ai décidé de la faire suivre par une orthopédagogue au privé, une fois par semaine, pour travailler spécifiquement les maths. Ce suivi s’ajoute à tous ses autres rendez-vous : pédiatrie, endocrinologie, kinésiologie, orthophonie, alouette!

Savez-vous ce qui est beau, dans tout ça? C’est que ma grande M., elle, va très bien. Elle n’est pas découragée. Elle n’est pas vraiment consciente de tout ça. Elle est heureuse, joyeuse, pas du tout anxieuse, et toujours confiante pour son avenir. 

Des fois (souvent), je me demande si j’ai pris la bonne décision lorsque j’ai décidé de la scolariser à la maison. C’est vrai, je n’ai pas réussi à la faire progresser académiquement autant que je le souhaitais au départ, mais au moins, j’ai réussi à préserver son estime d’elle, sa joie de vivre et son enthousiasme.  Compte tenu de son état psychologique lorsque je l’ai retirée de l’école, je suis loin d’être certaine qu’elle serait aussi pétillante aujourd’hui si elle y était restée.

Je ne sais pas ce que l’avenir lui réserve. Je ne sais même pas à quelle école ni dans quel programme elle ira l’an prochain. Mais je ne dois pas baisser les bras. Je ne laisserai pas les dys enrayer ma confiance en ma fille!


10 commentaires:

  1. Je ne pense qu'on peut être certain à 100% si on a pris une bonne décision ou non, mais une chose est sûre, tu l'as fait parce que tu as l'intérêt et le bien-être de ta fille
    à cœur. Et c'est tout ce qui compte! Si tu l'avais laissé à l'école, crois-tu qu'elle se serait autant épanouie? Qu'elle aurait autant appris? Même si ses acquis se mélangeant et se perdent dans sa tête, ils sont bien là malgré tout comme tu dis et c'est grâce à toi. À l'école, elle se serait faite recalée et dénigrée parce qu'elle n'était pas assez rapide, assez concentrée, assez si ou trop cela. Tu as fait le bon choix!

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    1. Merci pour ton indéfectible soutien, ma belle Viv! J'apprécie tes bons mots et tes encouragements :-)

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  2. Je crois qu'il n'y a jamais de bonnes ou de mauvaises décisions dans la vie. La vie s'écrit comme on la vit. Elle n'est pas écrite d'avance. Dans la situation où tu étais à ce moment-là, tu as pris cette décision. Aujourd'hui tu ne peux regarder cela en disant: "Ai-je pris autrefois la bonne décision?" Tu n'es plus à la même place, tu as grandi dans cette aventure, tu es ailleurs et ta fille aussi. Alors maintenant vous êtes devant d'autres choix. des choix qui sont différents de ce qu'ils auraient été si vous aviez pris une autre décision il y a plusieurs années. Mais voilà l'histoire que vous avez écrite est celle-ci, vous ne pouvez la changer ni l'effacer. Vous pouvez la continuer en prenant chaque fois les décisions qui doivent être prises au moment présent.
    Son nouveau DYS elle ne l'a pas développé parce que tu lui enseignes. Tu t'en rends compte parce que tu lui enseignes.
    Par expérience, je comprends très bien ce que tu veux dire dans ta comparaison avec Grand A. Ici aussi, enseigner à Lili est tellement facile que j'ai souvent tendance à la laisser de côté.
    En vieillissant, le fossé s'accroît entre nos enfants DYS et la norme. Cela est difficile à accepter, pas parce que justement nous les en aimons moins mais bien parce que nous savons ce qui les attend, combien ils auront à être forts pour affronter la vie sans pitié. Mais elle est forte, de ton amour, de ton dévouement, de sa confiance, de son assurance.

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    1. Merci pour ton soutien et ta compréhension, Katherine. J'admire tellement ta force et tes convictions, si javais la moitié de ton énergie et de ta détermination, je serais comblée! Tu m'inspires beaucoup et j'apprécie énormément ton écoute sans jugement face à mes mille et un questionnements ;-)

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  3. Tu sais que je te comprends!

    Bien sûr que tu as pris la bonne décision. C'est la vôtre en tant que parents à l'écoute de vos enfants. Les problèmes d'apprentissage de ta fille ne disparaîtront pas, peu importe la forme de scolarisation envisagée. Ils seront là pour toute sa vie et c'est extrêmement difficile à accepter, je t'en passe un papier!

    C'est très bien qu'elle n'aille pas à cette école privée où ses différences auraient été trop difficiles à assumer et le ratio élèves/professeur trop élevé.

    Elle ne peut pas aller en FPT encore, c'est pour les élèves de plus de quinze ans qui n'ont pas les acquis du primaire en français et/ou en mathématiques. Elle sera en cheminement particulier avec d'autres jeunes de son âge qui ont tous des problèmes d'apprentissage. Elle risque donc de se faire des amis. Et la vie sociale quand on devient ado c'est super important. C'était la seule joie de ma fille à l'école mais une grande joie! Elle avait beaucoup d'amies, les invitait à la maison et ses amitiés ont été pas mal plus importantes que ses apprentissages. C'est encore sa force et son soutien aujourd'hui, ses amies!

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    1. Je sais combien tu me comprends, chère Femme libre! Chaque fois que je te lis et que je constate ce que tu vis avec tes enfants, je me sens moins seule à faire face à cette situation. Les troubles d'apprentissage sont vraiment un handicap dans notre société où tout est basé sur la vitesse, la compétition et la performance.

      Tu as raison, pour l'école secondaire. Elle veut y aller, elle ira donc et on verra bien! Si jamais ça ne fonctionne pas, on avisera, mais en attendant, ce sera une expérience de vie importante.

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  4. Allo ,
    Je te comprends un peu cars mon fils est comme ça lui aussi... Mais nous avons pris un autre chemin. J'ai passé des heures à travailler avec lui pour qu'il apprenne des tonnes de chose qu'il ''devait'' apprendre (mels) ... Sur le moment, c'était '' ok '' et quelque jour plus tard plus rien ! J'ai refait l'alphabet des centaines de fois...( pour temps, il avait été à l'école de la maternelle à la première année) 1 an d'enfer répété et répéter... Notre relation n'était pas géniale (même s'il me disait constamment merci de l'avoir sortie de l'école) et soudain, je me suis aperçu que lorsque qu'il était dans l'action, il n'oubliait pas ... Il fallait que tous ses membres soie de la partie pas seulement sont cerveau. Musée, maison historique, centre des sciences, théâtre, visite thématique et promenade dans les bois avec les primitifs et zoom nature... Soudais, il s'épanouissait, il devenait curieux lui qui n'avait jamais touché un Légo Soudainement, il s'est mis à sortir ses boites qu'il n'avait jamais ouverte (il est TDAH sévère) des heures à faire des légos et quand je dit des heures ce n'est pas juste une image ! Incapable de s'asoires, une année avant, il passe soudainement 5h assis sans bouger ! Je me suis dit : voilà, j'ai trouvé quelque chose... J'ai laissé mon fils jouer tous les jours sans l'interrompe et sans savoir pourquoi aujourd'hui, il sait sont alphabet... Maintenant, sa concentration est bien meilleure... Disons excellente si on compare au passé. Le plus troublant, c'est que je voie la même progression(ou plus) que lorsque qu'on travaillait si ''fort'' dans les manuels de Français. Il commence à faire des bd avec des dessins, à lire (pour écrire) et c'est tout récent, il s'intéresse même à l'orthographe ! J'ai tellement paniqué... Je me souviens encore de ces moments aliénants pour lui et moi M-A fait MA S-A fait sa et l'orthophoniste qui dit : il faut travailler plus...Ce qui est difficile, c'est de savoir tout ce qu'il sait ... Cars, c'est tellement des domaines variés sans lien... Mais, je suis fier de lui et de nos choix familiaux.

    Pour le secondaire, personnellement, pour avoir connue les cours au secondaire cp ( cheminement particulier) je ne te le recommande pas... Vraiment pas à vrai dire ! Souvent dans ces classes les enfants son troubler mal traiter par le système... Traiter de nul toute leur vie .. Tu comprends sûrement ? Du style, on vas-tu fumer un joint sur l'heure du dîner ! Savais-tu qu'elle pourrait faire le ''sport art étude'' sans les études... Personnellement, si mon fils voulait retourner au secondaire, c'est plus l'option que je regarderais...Il choisirait surement le théâtre à la maison jaune toute les pm ....
    Donne-moi des nouvelles ! Et bonne chance !

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    1. Merci pour ton témoignage, Claudia! Pour l'instant, j'envisage inscrire ma fille au secondaire, même si c'est en cheminement particulier. Bien entendu, ça m'inquiète un peu, mais c'est son souhait d'essayer de retourner à l'école et je tiens à le respecter. Si jamais il s'avérait que ce chemin ne soit pas le bon, nous aviserons. Je t'avoue être un peu confuse, car j'ai entendu autant de bons que de mauvais commentaires sur les programmes destinés aux élèves en difficulté... Je crois donc que la meilleure option, c'est d'essayer. Il ne sera pas trop tard pour la reprendre à la maison si ça ne se passe pas bien.

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  5. Attention! Classe de cheminement particulier n'égale pas classe de délinquants. Ce serait faire injure à ces enfants qui n'ont pas de problème de comportement et qui viennent de bonnes familles aimantes comme celle de Julie et la mienne que de conclure qu'il s'y fume plus de joints que chez les élèves des classes régulières.

    Je pense que si on tombe sur un bon prof et un bon milieu, ces classes peuvent faire des miracles. Enfin, on comprend les difficultés de l'enfant et on l'aide en suivant son rythme. Si ma fille a peu progressé, ce n'est pas parce que l'école ou les profs n'étaient pas compétents, c'est que ses difficultés intrinsèques étaient trop grandes. Mais elle n'est pas tombée dans la délinquance et s'est fait de très bonnes amies qu'elle a encore aujourd'hui.

    Là où ça a mal été c'est dans le cours de FPT (formation préparatoire au travail)pour les jeunes de 15 à 18 ans qui n'ont pas encore leur primaire. J'ai donc tendance à en parler en mal, mais je connais des jeunes et des parents qui ont trouvé ce programme très utile et des ados qui se sont trouvé du travail à la suite d'un de leurs stages. On se fie beaucoup à notre expérience personnelle et c'est normal!

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    1. Certaines personnes m'ont dit beaucoup de bien du programme de cheminement particulier, d'autres m'ont dit que c'était épouvantable. Je crois que, comme tu le dis, ça dépend du milieu scolaire et des enseignants. Ma fille veut retourner à l'école (elle dit en fait qu'elle veut au moins essayer) et je ne l'empêcherai pas de vivre cette expérience. Je la reprendrai à la maison si ça ne va pas, mais au moins, elle aura su ce que c'est.

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