Planer, voler… je
connais ça !
Mon père est un passionné d’aviation. Il est pilote de
planeur depuis que je suis toute petite. J’ai donc passé une grande partie de
mes étés d’enfance à l’aéroport de planeur, où mon père et ses amis pilotes
avaient installé un petit camping pour pouvoir voler du matin au soir sans
avoir à retourner à la maison la nuit venue.
Toute la journée, je voyais des avions décoller et atterrir
à répétition. Je connaissais toutes les lettres d’appel (Alpha Bravo Charlie
Delta, et compagnie! Mon père nous les faisait apprendre par cœur sous forme de
jeux, à ma sœur et moi). Quand j’ai été
assez grande, j’ai eu la permission de tenir le bout de l’aile du planeur sur
la piste et de faire signe au pilote de l’avion-remorqueur que le
pilote-planeur était prêt pour le décollage. J’adorais ça!
J’aimais aussi aller chercher les planeurs au bout de la
piste après leur atterrissage. J’embarquais dans la voiture ou le tracteur qui
allait les chercher pour les remorquer.
Dès que j’ai eu l’âge et le poids réglementaire, j’ai fait
des tours de planeur. Le plus souvent avec mon père, mais parfois aussi avec un
de ses amis. Faire du planeur est vraiment une expérience exceptionnelle. Il n’y
a que le bruit du vent sur les ailes, on plane tout en douceur, parfois
accompagnés d’oiseaux qui profitent des mêmes thermiques que nous pour prendre
de l’altitude. L’habitacle entièrement vitré nous permet de voir partout autour
de nous et les paysages sont magnifiques. Pas de bruit de moteur, pas de
vibrations. Juste le souffle du vent et le ciel à perte de vue…
Il y a quelques années, mon père a commencé à piloter des
avions à moteur et a fait l’acquisition d’un Cessna avec quelques amis pilotes.
Bien entendu, je suis montée à bord! J’ai bien aimé faire un tour d’avion avec
mon père, mais je préfère le planeur. Je suis plus nerveuse en Cessna, avec
tout le bruit et les vibrations du moteur.
J’ai donc côtoyé le monde de l’aviation depuis que je suis
toute petite. Je n’ai pas le vertige et n’ai pas peur d’être dans les airs.
Et pourtant…
Depuis toujours, j’ai une peur bleue de prendre un avion
commercial. Ça peut sembler absurde, étant donné mes expériences en planeur et
en Cessna, mais je n’y peux rien. C’est une réelle phobie, une peur totalement
irrationnelle.
Quand je suis en planeur ou en Cessna avec mon papa, je n’ai
pas peur. Je ne me sens pas prisonnière et je sais que si j’en ai assez, je n’ai
qu’à le lui dire et que nous pouvons retourner à l’aéroport rapidement. Et il
va sans dire que quand c’est mon papa qui pilote, je me sens en totale
confiance!
Or, pour l’anxieuse que je suis, me retrouver entourée d’étrangers
dans un avion duquel je suis prisonnière pour plusieurs heures est un réel
cauchemar. L’idée de remettre ma vie entre les mains de pilotes inconnus était
également terrifiante, dans mon esprit.
Pour l’anxieuse que je suis, n’avoir aucun contrôle sur la
situation et aucune façon de fuir ou de m’échapper si jamais il arrivait
quelque chose m’est insupportable. Et
chaque accident d’avion, crash ou attentat terroriste me confortait dans ma
peur et me donnait une raison de plus de penser que je faisais drôlement bien d’éviter
les avions commerciaux à tout prix.
La mission de mon
père
Ça fait plusieurs années que mon père s’est donné comme
mission de me faire perdre cette phobie de prendre l’avion. Jusqu’à cette
année, j’étais toujours soit enceinte, soit allaitante, ce qui me donnait d’excellentes
excuses pour refuser son invitation.
À Noël, cette année, il est revenu à la charge et m’a
offert, comme cadeau… un tour d’avion en sa compagnie pour aller à Toronto.
Pourquoi Toronto? Parce que ce n’est qu’un vol d’une heure, dans un avion
commercial d’environ 70 passagers, ce qui est juste parfait pour le baptême de
l’air d’une phobique. Pas question de m’emmener en Europe pour un premier
voyage, ça non, le vol est beaucoup trop long!
Malheureusement pour moi, je ne pouvais plus justifier mon
refus d’affronter ma peur à l’aide de mes enfants. Je ne suis pas enceinte et
ne le serai plus jamais, et ma petite É., à presque deux ans, peut très bien se
passer de moi quelques jours.
Afin d’éviter d’avoir à affronter ma phobie, j’ai d’abord
utilisé la tactique du silence, c’est-à-dire que je n’ai plus du tout abordé le
sujet avec mon père. Plus les semaines passaient, plus je me disais avec un
espoir grandissant qu’il avait peut-être oublié le cadeau qu’il m’avait offert…
Jusqu’à ce qu’il m’en reparle au début de mois de mai. Zut, je n’allais
peut-être pas m’en tirer, finalement!
Nous avons fixé la date du 31 mai pour un aller-retour à
Toronto dans la même journée. Il m’a fait parvenir la confirmation d’achat des
billets par courriel pour que je puisse constater que c’était pour vrai de
vrai, officiellement confirmé.
Une excuse par jour
éloigne l’avion pour toujours?
À partir de ce moment-là, je me suis mis en tête de trouver
toutes les excuses inimaginables pour ne pas avoir à prendre l’avion. Je savais
bien que mes raisons étaient farfelues, mais je me suis dit que si j’étais
assez achalante, mon père finirait par se tanner et ne pas avoir envie de
passer toute une journée avec une enquiquineuse.
Chaque jour ou presque, pendant trois semaines, j’ai écrit
un texto à mon père avec une excuse pour annuler notre voyage à Toronto. J’ai
essayé toutes sortes de stratégies.
J’ai tenté la stratégie du problème médical, en lui faisant
croire que j’étais allergique au revêtement des bancs d’avion, ce à quoi il m’a
répondu que le matériel utilisé était hypoallergénique.
J’ai essayé la stratégie féminine en lui disant que j’allais
avoir mes règles ce jour-là et que c’était fortement déconseillé de prendre l’avion
dans ces conditions, ce à quoi il m’a répliqué que le changement de pression
pendant le vol était excellent pour soulager les troubles menstruels.
J’ai tenté la stratégie de la superstition en lui disant que
j’étais persuadée qu’un avion ayant du blanc me porterait malchance. Le
transporteur qu’il a choisi a des avions turquoise…
J’ai essayé le chantage, en lui disant que je ne l’aimais
plus, que je le dirais à ma mère et que je boudais. Il est resté inflexible.
J’ai tenté la stratégie du déni, en faisant semblant de ne
pas me rappeler que nous avions rendez-vous le 31 mai, mais lui s’en rappelait
très bien.
J’ai même essayé la stratégie amoureuse! Alors qu’Alexandre
avait laissé son compte de courriels ouvert sur l’ordinateur, un soir, j’en ai
profité pour écrire un courriel en son nom à mon père pour lui dire qu’il
refusait que j’aille en avion avec lui le 31, puisqu’il est si amoureux de la
femme fabuleuse que je suis qu’il ne pouvait se passer de ma délicieuse
présence ne serait-ce que pour une journée. Mon père a simplement répondu :
« Bien essayé, Julie! » J’ai été démasquée…
Finalement, je me suis bien amusée à essayer de trouver
toutes ces excuses ridicules et je savais bien que mes stratégies, bien que
très créatives, étaient vouées à l’échec. Néanmoins, pendant que je m’amusais à
essayer d’exaspérer mon père (ce qui s’est avéré un autre échec, puisque j’ai
surtout réussi à l’amuser!), je ne pensais plus trop à ce qui m’attendait le 31
mai.
Le Jour P, pour
Panique, Peur, Pas-envie-d’y-aller!
Puis, arriva le 30 mai. La veille de la date fatidique. Ce
soir-là, impossible de trouver le sommeil. J’avais trop peur au lendemain. J’ai
réussi à m’endormir aux petites heures du matin seulement.
31 mai, 6h du matin.
Je me réveille en sursaut, totalement détrempée de sueur et
tremblant de tout mon corps. Dans ma tête paniquée, une cassette joue en boucle :
« J’ai peur j’ai peur j’ai peur je ne veux pas y aller je ne serai pas
capable je vais paniquer dans l’avion et me mettre à hurler et à vomir partout
je ne suis pas capable j’ai peur j’ai peur j’ai peur! »
Toute ma famille dormait encore. Je me suis levée dans ma
maison silencieuse et suis allée sur Internet. Ma sœur Martine, qui a un petit
garçon très matinal, était déjà connectée sur Facebook et nous avons clavardé
un long moment. Elle a pris l’avion très souvent et a répondu à mes questions
et m’a rassurée. Parler avec elle m’a un peu apaisée et j’ai ensuite pu aller
me préparer à affronter ma grosse journée.
Je n’ai pas réussi à déjeuner. Je me suis contentée de boire
un verre de jus, l’estomac noué par la peur et l’appréhension. Je me sentais
triste et résignée. J’avais l’impression de m’en aller à l’abattoir. Le cœur gros
et l’air boudeur, je suis partie rejoindre mon père chez lui.
Arrivée chez mon papa, j’étais un peu plus calme, mais je me
sentais d’humeur boudeuse. Je lui en voulais un peu de me forcer à faire
quelque chose dont je n’avais pas du tout envie. Après tout, pourquoi tenait-il
tant à ce que je vainque ma peur de l’avion? Prendre l’avion, ce n’est pas
vital! On peut très bien avoir une très belle vie sans jamais prendre l’avion,
non?
Dans la voiture, alors que mon père nous conduisait à l’aéroport,
j’ai encore tenté de le convaincre de ne pas y aller. On était bien dans son
auto, non? Pourquoi ne pas aller à Toronto en voiture, alors? Devant ma mine
renfrognée, il s’est contenté de me répondre que j’étais belle quand je boudais…
Grrr!
« Madame, nous
devons vous fouiller… »
Arrivés à l’aéroport, j’ai espéré de tout mon cœur que notre
vol soit annulé, ce qui bien sûr ne fut pas le cas. À la sécurité, alors que
mon sac et mon manteau passaient dans la petite machine pour être inspectés,
une sonnerie a retenti. Un agent s’est approché de moi et m’a expliqué que j’avais
été sélectionnée de façon aléatoire pour une fouille. J’avais le choix entre
une fouille à nu ou passer dans le scan! OMG! Je me suis retournée vers mon père,
lui demandant s’il avait arrangé tout ça et il m’a répondu, à la fois surpris
et trouvant ça très drôle, qu’il n’avait rien à voir là-dedans et que ça ne lui
était même jamais arrivé d’être fouillé!
J’ai dit à l’agent de sécurité que c’était mon premier vol,
que j’étais terrorisée, et que je préférais ne pas embarquer dans l’avion
plutôt que d’être fouillée, finalement. L’agent s’est bien moqué de moi et m’a
conseillé de choisir le scan plutôt que la fouille à nu, ce qui me semblait une
excellente suggestion, en effet. Je suis donc montée dans le scan, qui a
détecté quelque chose à la hauteur de mes côtes, du côté gauche. Retour dans le
scan, qui détecte à nouveau la même chose. Une agente féminine s’est donc
approchée pour me palper, pour finalement me dire que c’étaient les boutons
décoratifs de mon chandail qui faisaient sonner le scan.
Finalement, on m’a laissée passer, et voilà que j’étais plus
proche que jamais du moment fatidique où je devrais monter en avion…
L’angoisse de l’attente
Comme nous avions encore un peu de temps à tuer, mon père m’a
emmenée dans un salon VIP auquel il avait accès. C’était joli et confortable,
et des sandwiches, grignotines et choses à boire y étaient offertes. Mon père s’est
servi un lunch. Quant à moi, l’estomac toujours noué et le système nerveux à
vif, je me suis contentée de grignoter trois petites carottes et un minuscule
bout de chou-fleur, et de boire un peu de jus.
Quand finalement nous sommes allés près de la porte d’embarquement,
mon père a demandé à la préposée s’il était possible d’avoir de meilleures
places dans l’avion. Comme plusieurs places étaient libres, la dame m’a demandé
quels sièges nous conviendraient davantage. Je lui ai répondu que les sièges de
la salle d’attente me semblaient tout à fait parfaits et que je n’avais aucun
inconvénient à y rester assise toute la journée plutôt que de prendre l’avion.
Mon père lui a expliqué que nous étions là pour que j’affronte ma phobie et la
dame m’a trouvée très drôle. L’agent de sécurité s’était moqué de moi, puis
cette dame… J’étais ridicule, il faut croire, mais vaut mieux en rire qu’en
pleurer! Sans blague, elle était très sympathique et m’a beaucoup rassurée.
Elle m’a aussi proposé de m’installer sur les ailes, bien attachée avec du « duct
tape », afin d’avoir la meilleure vue possible, ce qui m’a bien fait rire,
mais que j’ai poliment refusé.
Après quelque temps, il fut l’heure de monter à bord de l’avion.
Je ne pouvais plus reculer. Je me suis installée près du hublot et j’ai
attendu, attendu, attendu… Je n’avais qu’une idée en tête : que l’avion
décolle enfin, pour qu’il atterrisse ensuite au plus vite et que cette
expérience soit derrière moi! Parce qu’une
fois rendus à Toronto, je pourrais peut-être réussir à convaincre mon père de
revenir en train plutôt qu’en avion…
Prisonnière de l’oiseau
de métal
Finalement, l’agente de bord a refermé et verrouillé la
porte. Ça y était, j’étais prisonnière, coincée dans ce petit banc, dans un
oiseau de métal, à la merci de la compétence des pilotes et de la mécanique de
l’appareil. Pas moyen de sortir, pas moyen de fuir.
Je me sentais respirer très vite. Quand les moteurs se sont
mis à gronder et les hélices à tourner, j’ai agrippé de mes mains moites et
froides les mains chaudes de mon père. Il les a serrées très fort dans les
siennes et m’a parlé doucement pour me rassurer.
Je ne me souviens plus trop de ce qui j’ai dit pendant le
décollage, mais je me rappelle que je respirais fort, tentant de mon mieux de
ne pas paniquer, et que je posais mille et une questions les unes à la suite
des autres : « C’est quoi ce bruit? Pourquoi ça fait ça? Est-ce que c’est
normal? Pourquoi ça vibre comme ça? Est-ce que tout est correct? Pourquoi ce
voyant lumineux s’allume? Est-ce que cette sensation est normale? » Mon
père, calme, patient et rassurant, m’expliquait tout au fur et à mesure.
Finalement, une fois rendus dans les nuages, je me suis
calmée et j’ai été capable de me concentrer sur autre chose que sur ma peur. Il
y a eu quelques turbulences, qui m’ont effrayée un peu, mais j’ai vite compris
qu’elles étaient inoffensives quand mon père m’a expliqué ce que c’était. Je
craignais d’avoir des étourdissements ou des vertiges en raison de mes
séquelles de labyrinthite, mais j’ai été correcte, à mon plus grand
soulagement. Je n’ai pas eu mal au cœur non plus.
L’atterrissage s’est bien déroulé et m’a nettement moins
effrayée que le décollage. Ça y était, j’étais arrivée saine et sauve à
Toronto! J’avais survécu, miracle!
Une belle journée à
Toronto!
Mon père et moi avons passé toute la journée à Toronto. Nous
avons marché, marché, marché partout à travers la ville pour la visiter. Nous
sommes allés manger au Mövenpick, mon estomac s’étant enfin dénoué!
J’avais envie d’aller à l’
aquarium Ripley, puisque j’adore
les poissons et le monde marin. Je ne suis pas certaine que mon père était
aussi enthousiasmé que moi par cette visite, puisqu’il a fait beaucoup de
plongée sous-marine et avait vu « en vrai » la plupart de ces
poissons dans leur milieu naturel. Mais moi, j’étais fascinée et je m’exclamais
comme une enfant devant les requins, les méduses, les hippocampes et toutes ces
magnifiques créatures marines. Devant ma fascination, mon père m’a dit qu’il
pourrait m’initier à la plongée sous-marine un de ces jours. J’adorerais ça! Je
pense que ce sera notre prochain projet ensemble.
Prendre l’avion? Même
pas peur!
Notre vol de retour était prévu en soirée. Complètement
épuisés de notre journée de marche dans la ville, nous nous sommes rendus à l’avance
à l’aéroport, où nous avons pu reposer nos jambes un peu.
Cette fois, je n’étais pas nerveuse du tout. Assise dans un
des confortables fauteuils de l’aéroport Billy Bishop, j’ai réalisé que ce n’était
plus la première fois que je prenais l’avion. Qu’en fait, ce ne serait plus
jamais la première fois! La glace était cassée, ce n’était plus de l’inconnu.
Ma peur était partie. Cette phobie que je trainais depuis si
longtemps, à cause de laquelle j’ai toujours pensé que je ne voyagerais jamais,
s’était envolée.
Le vol de retour s’est très bien passé. J’ai même mangé une
collation dans l’avion, c’est tout dire! Comme lors de mon premier vol, j’ai
posé mille et une questions à mon père. Sauf que ce n’étaient plus des
questions de panique, c’étaient des questions de curiosité, des questions plus
techniques : « Quels sont les rôles des pilotes et copilotes,
exactement? Comment se partagent-ils les tâches? Y a-t-il des cartes routières
du ciel, est-ce que les pilotes suivent des « routes » déjà tracées?
Quelle est la différence entre le travail du contrôle aérien et de la tour de
contrôle? Est-ce que tous les pilotes du monde suivent les mêmes formations? »
Nous avons parlé tout le long et l’heure de vol m’a semblé passer en un
instant.
Une fois atterris à Pierre-Elliott-Trudeau, une joie intense
m’a submergée. J’avais réussi! J’avais surmonté ma peur! J’étais tellement
fière de moi, tellement contente!
Mon père a demandé à l’agente de bord si nous pouvions
rencontrer le commandant. Elle a demandé au pilote, qui a accepté. Une fois
tous les passagers sortis de l’avion, nous nous sommes donc rendus dans le
cockpit, où j’ai remercié le pilote et le copilote d’avoir contribué à mon
baptême de l’air. Au cours de la conversation, le pilote et mon père se sont rendu
compte qu’ils avaient des amis pilotes de planeur en commun. Le monde de l’aviation
est bien petit!
Victoire! J’ai
réussi! K.O., la phobie!
Le 31 mai dernier, j’ai eu toute une journée, remplie d’émotions
intenses.
J’ai passé une magnifique journée seule avec mon papa, ce
qui ne m’arrive plus très souvent depuis que j’ai des enfants. J’ai vraiment
aimé passer du temps avec lui, c’est très précieux pour moi.
Et j’ai vaincu une grande phobie, une peur non rationnelle,
inexplicable, mais si puissante que j’étais prête à me passer de voyager toute
ma vie plutôt que de l’affronter. Ça fait déjà presque une semaine que j’ai
pris l’avion commercial pour la première fois, mais je me sens encore portée
par cette fierté d’avoir vaincu cette peur.
Je me sens libre. Je n’ai plus de phobie. Je n’ai plus peur.
J’ai l’impression que le monde m’appartient désormais. Je ne suis plus
prisonnière de mes pensées anxieuses. Je me sens plus forte.
Je suis fière de moi. Mon père est fier de moi. Ma mère et
ma sœur aussi. Mon mari aussi. Mes enfants aussi.
Et je suis fière de ça également : j’ai montré à mes
enfants que quelle que soit notre peur, aussi forte et intense puisse-t-elle
être, on peut l’affronter et la vaincre. C’est ça, le modèle que je veux être pour eux :
une maman qui fonce, une maman qui n’a pas peur, une maman qui est plus forte
que son anxiété et que ses phobies.
Mon père avait raison de me forcer à affronter ma peur. Je
pensais être prisonnière en avion, mais lui savait bien que ce dont j’étais
prisonnière, c’était de ma peur. Et il m’en a libérée. Avec beaucoup de
patience, de calme et de respect. Je suis si heureuse qu’il ait été là pour moi,
avec moi. Merci, papa, je t’aime.
Je n’ai jamais pensé que je dirais ce que je vais dire, un
jour. Mais aujourd’hui, je peux affirmer ceci : prendre l’avion? Pfff, il
n’y a rien là!