Qui suis-je?

lundi 29 juin 2015

En colonie de vacances, la si, la sol...

Ça y est, ma grande M. est partie en colonie de vacances avec un groupe de jeunes suivis à CIRCUIT de l’hôpital Sainte-Justine pour les deux prochaines semaines. Elle avait si hâte d’y aller qu’elle nous cassait les oreilles en chantant à tue-tête la fameuse chanson « En colonie de vacances, la si la sol.. » cent fois par jour depuis des semaines!

Les derniers jours ont été très chargés en raison des préparatifs de son départ. Il lui manquait quelques morceaux de vêtements pour compléter ses bagages, nous avons donc dû aller magasiner. Puis, rapatrier tous les items dont elle aurait besoin, faire préparer ses médicaments sous forme de dosette pour la durée de son séjour, m’assurer que mon lavage était fait à temps pour qu’elle ait tous les vêtements nécessaires.

À bien y penser, les préparatifs se sont très bien déroulés, il n’y a que moi qui m’en faisais et qui avais l’impression d’être toute désorganisée. Comme vous le savez, Alexandre et mes deux plus vieux sont scouts et la préparation de bagages de camp n’a plus de secret pour eux. Pour moi, faire des valises est plutôt synonyme de casse-tête!

En fait, grande M. a presque entièrement fait ses bagages elle-même en suivant attentivement la liste qui lui avait été remise. C’est juste dans ma tête que ça tourbillonnait : « Il ne faut pas que j’oublie d’aller à la pharmacie chercher ses médicaments. Il ne faut pas que j’oublie de photocopier son protocole d’administration de médicament pour le remettre aux animateurs. Il ne faut pas que j’oublie de vérifier si elle a assez de paires de bas. Il ne faut pas que j’oublie d’acheter des timbres pour qu’elle puisse envoyer des lettres. Il ne faut pas que j’oublie… »

Finalement, hier, nous étions prêts à aller la reconduire pile à l’heure où nous voulions partir. Même les tout-petits étaient prêts à temps! Incroyable, mais vrai!

Je regardais ma grande fille fermer sa valise, se préparer, calmement, et je la trouvais donc grande! Et si calme! Moi qui, enfant, détestait partir en classe verte ou en classe rouge avec l’école, ne serait-ce que pour deux nuits, je ne peux qu’être impressionnée de l’absence totale d’anxiété chez mes enfants quand ils partent en camp. Ils ne tiennent certainement pas cet enthousiasme pour les camps de leur mère, je peux vous le dire! Moi, j’avais mal au ventre et mal au cœur des jours à l’avance simplement à anticiper et appréhender mon départ de la maison…

J’étais fière de la voir si confiante et heureuse, contente pour elle de savoir qu’elle allait vivre une expérience formidable, et un peu triste aussi de penser qu’elle serait si loin de moi pour deux longues semaines…

Moi, le cœur un peu gros : « Vas-tu t’ennuyer un peu, ma grande? »
Grande M. : « Oh oui! Je vais tellement m’ennuyer de mon chum et de mon chat! »

Pas une seule mention pour sa maman! Mais vous savez quoi? C’est très bien ainsi. Elle est indépendante et n’a plus toujours  besoin de moi pour vivre ses propres aventures et expériences. Elle se détache positivement de moi, en ce sens que nous avons toujours une très belle relation, mais qu’elle commence à prendre son envol toute seule comme une grande. Je pense que c’est très sain. Même si j’ai un petit peu de peine de la voir grandir si vite, c’est vrai.

Depuis hier, donc, nous ne sommes que cinq à la maison. C’est un peu étrange. Je m’attends toujours à entendre ma grande me parler ou rire aux éclats. Le téléphone et son iPod sont anormalement silencieux. Je n’ai pas à régler de chicane entre elle et grand A. Ses amies ne viennent pas cogner à la porte. Il n’y a pas de filles préados qui trainent dans ma maison, rigolent dans sa chambre ou se font les ongles sur ma table de cuisine.

Cette pause de deux semaines sera très bénéfique pour tout le monde, je crois. La relation entre grande M. et grand A. a toujours été difficile, mais ces temps-ci, c’est carrément pénible. Ils se chicanent constamment, se tombent sur les nerfs, s’obstinent pour tout et n’importe quoi, je n’en pouvais plus!

J’aurais tellement aimé que mes ainés s’entendent bien. J’aurais tant voulu qu’ils jouent ensemble, soient complices, apprécient la compagnie de l’autre. Malheureusement, ça n’a jamais été le cas. Ils ne se sont jamais bien entendus et ont peu d’affinités l’un avec l’autre, à mon plus grand désespoir.

Pendant ces deux semaines où ma grande est partie, ils pourront souffler un peu et profiter de l’absence de l’autre. Pas de tensions. Pas de conflits. La sainte paix, quoi!

Dans deux semaines, on ira chercher ma belle grande fille à son camp. Elle sera toute bronzée, ses cheveux auront blondi. Elle sera fatiguée, mais contente de ses vacances au camp. Elle aura plein de nouvelles amies; des jeunes filles qui, comme elle, ont une maladie ou un surplus de poids. Ça fait longtemps qu’elle me dit qu’elle veut rencontrer des filles de son âge qui comprennent ce que c’est, aller chez le docteur ou à l’hôpital souvent. Elle aura probablement plein de piqûres d'insectes partout sur le corps. Elle sentira bon la fumée de feu de camp, sera sale, puera peut-être un peu à certains endroits stratégiques de son corps ;-)

 Elle chantera des chansons de camp pendant des jours. Elle me racontera plein d’anecdotes et de péripéties. Elle me relatera toutes les choses qu’elle aura apprises. Me dira tous les petits potins du camp.


Oui, vraiment, je pense qu’elle passera un magnifique séjour!

jeudi 18 juin 2015

C’est la fin de l’année! Mais pas tout à fait…

D’ici quelques jours, les élèves du Québec seront en congé pour l’été. Yé! Après tous ces mois à travailler si fort, les enfants (et les profs, et les parents éducateurs!) méritent pleinement cette pause estivale.

De notre côté, j’ai décidé que nous allions continuer à faire un peu d’école pendant l’été. Comme nous avons dû arrêter presque complètement notre travail scolaire pendant un peu plus d’un mois cet hiver en raison de maladies, hospitalisations et autres virus cet hiver, nous avons pris du retard et je tiens à ce que nous le rattrapions le plus possible avant septembre.

Bien entendu, nous ne ferons pas des journées complètes d’école, c’est l’été après tout! Mais un petit peu chaque jour, question d’avancer toujours sans que ce soit trop lourd.

Grande M. : vive le français, à bas les maths!

Cette année, grande M. a fait des progrès très impressionnants en français écrit. Grâce à son ordinateur et à ses logiciels Word Q, Lexibar et Antidote, elle est devenue très autonome pour la rédaction de textes. Ses textes sont de plus en plus longs, généralement bien structurés, et la quantité de fautes d’orthographe et de grammaire a diminué de façon significative. La syntaxe de ses phrases reste à améliorer, mais ça s’en vient. Quand je repense au retard immense qu’elle avait lorsqu’elle était à l’école, je suis vraiment fière de tous ses progrès. On partait de loin!

Toutefois, en maths, c’est autre chose. Les maths de 5e année, ouf, c’est difficile! Je trouve que la marche est haute entre ce qui est vu au 2e cycle et au 3e cycle. Avant cette année, les concepts de mathématiques étaient assez faciles à intégrer à des situations concrètes du quotidien, ce qui rendait l’apprentissage plus simple car les enfants comprenaient directement l’utilité de ce qu’ils apprenaient. Par contre, à partir de la 5e année, les concepts sont de plus en plus abstraits et complexes. Quand elle me demande à quoi ça sert de faire un arbre de factorisation, j’ai bien du mal à lui expliquer quand elle se servira vraiment de cette notion dans sa vie… On doit aussi voir beaucoup, beaucoup, beaucoup de fractions.  Il faut les comparer entre elles avec des dénominateurs ou des numérateurs communs, les transformer, les réduire à leur plus simple expression… Non seulement c’est difficile pour ma fille, mais en plus, c’est plate en titi. Pour moi qui n’aime pas du tout les maths, c’est un vrai défi d’essayer de rendre ça clair et un tant soit peu intéressant.

De plus, les situations –problèmes complexes (ou SAÉ) de maths sont très difficiles, je trouve. Il y a tant de consignes et d’informations dont elle doit tenir compte pour parvenir à résoudre le problème qu’elle s’y perd complètement. Je dois lire, relire et décortiquer le problème avec elle à plusieurs reprises et malgré tout, elle me regarde souvent avec le regard complètement confus. Pour une dyslexique dyspraxique, ces problèmes complexes sont un vrai cauchemar. Elle n’arrive pas à organiser les infos, ses pensées et les démarches à faire. Pour l’instant, je mets ça de côté et on y reviendra plus tard. Comme elle doit passer des tests de classement à l’automne en prévision de son admission à une école privée au secondaire l’année suivante, je vais d’abord m’assurer qu’elle a vu toute la matière plutôt que de travailler les SAÉ.
  
Grand A. : vive les maths, à bas le français!

Grand A., lui, adore les maths et comprend la matière à la vitesse de l’éclair. Il calcule facilement mentalement et son plus grand défi est de prendre son temps pour bien écrire ses démarches de résolution de problème. Il ne comprend pas pourquoi il doit détailler tous ses calculs alors qu’il a trouvé la réponse mentalement en deux secondes! Je dois constamment lui rappeler que moi, et ses futurs professeurs, ne sommes pas dans sa tête et que nous ne pouvons pas savoir comment il a fait pour trouver sa réponse s’il ne nous l’écrit pas. Pour sa part, il est presque à jour en maths et devrait terminer son cahier très rapidement au cours des prochaines semaines.

En français, c’est autre chose. Il déteste écrire et fait énormément de fautes. Encore une fois, il essaie d’aller trop vite… Quand je lui demande de faire un plan de rédaction pour ses textes, il le fait à toute vitesse, à moitié, et oublie ensuite plein d’éléments quand il rédige. Quand on travaille une règle d’orthographe ou de grammaire, il fait bien les exercices, mais ne transfère pas ses connaissances lorsqu’il rédige un texte. Il fait donc plein de fautes sur des notions qu’il aurait dû savoir, ce qui me frustre souvent, je dois l’admettre. Il ne corrige pas bien ses textes, non plus, ne prend pas la peine d’utiliser son guide de correction pour être sûr de ne rien oublier… Ralentir et prendre le temps de bien écrire est vraiment son plus grand défi.

Il faisait tant d’erreurs dans ses textes que j’ai commencé à être inquiète. Comme ma grande est dyslexique et dysorthographique, je me suis même demandé si lui aussi avait un problème d’apprentissage. J’ai donc décidé de le faire suivre par une orthopédagogue au privé, cet été, pour avoir un avis extérieur et des trucs pour l’aider. Je ne veux pas qu’il soit trop en retard ou vive des difficultés trop grandes en septembre, lors de son retour en classe…

Jusqu’à présent, nous sommes allés voir l’orthopédagogue deux fois et ça m’a rassurée. Le fait de travailler avec quelqu’un d’autre que moi l’oblige à faire plus d’efforts et quand il se force, il est capable. Même s’il devra rattraper un peu de matière au début de l’année scolaire, je suis sûre qu’il y parviendra. Retourner à l’école sera très bénéfique pour lui sur le plan académique, je crois.

Petit L. : bientôt une nouvelle garderie!

Petit L., lui, est en pleine forme. Je lui ai trouvé une garderie en installation à 7$ par jour et il commencera à y aller dans deux semaines, à temps plein. Depuis la semaine dernière, nous passons devant la nouvelle garderie tous les matins avant de se rendre à sa garderie actuelle. J’arrête la voiture devant la nouvelle garderie et je lui montre l’endroit, les dessins dans les fenêtres des locaux, la magnifique gigantesque cour avec plein de jeux et un module pour grimper. Il est super enthousiaste à l’idée d’y aller. Je ne sais pas à quel point il réalise qu’il ne reverra plus son éducatrice actuelle, qu’il adore, et ses amis, mais bon, pour l’instant, il est simplement content d’aller à une nouvelle garderie.

Hier, c’était sa dernière journée de garderie à son « ancienne » garderie. Les adieux sont toujours un peu émouvants, surtout que nous adorions l’endroit et que la seule raison pour laquelle nous le changions d’endroit était financière, et non pas parce que nous n’étions pas satisfaits. Petit L. n’était pas émotif du tout, lui, mais moi et son éducatrice, ouf! J’avais les larmes aux yeux!

Petite É. : la fille à papa!

Petite É., quant à elle, grandit en beauté et en bonheur. Elle est souriante, se développe bien et s’amuse à fond à la garderie comme à la maison. Elle placote de plus en plus, même si je trouve parfois qu’elle ne parle pas autant que je le souhaiterais. Il faut dire qu’étant la quatrième enfant de la famille, il se trouve toujours quelqu’un pour parler à sa place ou pour anticiper ses besoins avant même qu’elle ait eu à les dire! Elle est douce, affectueuse, taquine, un peu plus autonome chaque jour. Une vraie petite soie, ma petite dernière. Elle aime son éducatrice et ses amis de la garderie et y va avec plaisir. À la maison, c’est la petite fille à son papa! Elle l’idolâtre carrément et s’exclame de joie dès qu’Alexandre met le pied dans la maison à la fin de sa journée de travail. Je pense qu’il aime bien ça, se faire cajoler par sa petite poupoune ;-)


Voilà pour notre bilan de fin d’année! Mes enfants grandissent si vite, se développent si bien… je suis fière d’eux!

vendredi 5 juin 2015

J’ai vaincu ma phobie de prendre l’avion!

Planer, voler… je connais ça !

Mon père est un passionné d’aviation. Il est pilote de planeur depuis que je suis toute petite. J’ai donc passé une grande partie de mes étés d’enfance à l’aéroport de planeur, où mon père et ses amis pilotes avaient installé un petit camping pour pouvoir voler du matin au soir sans avoir à retourner à la maison la nuit venue.

Toute la journée, je voyais des avions décoller et atterrir à répétition. Je connaissais toutes les lettres d’appel (Alpha Bravo Charlie Delta, et compagnie! Mon père nous les faisait apprendre par cœur sous forme de jeux, à ma sœur et moi).  Quand j’ai été assez grande, j’ai eu la permission de tenir le bout de l’aile du planeur sur la piste et de faire signe au pilote de l’avion-remorqueur que le pilote-planeur était prêt pour le décollage. J’adorais ça!

J’aimais aussi aller chercher les planeurs au bout de la piste après leur atterrissage. J’embarquais dans la voiture ou le tracteur qui allait les chercher pour les remorquer.

Dès que j’ai eu l’âge et le poids réglementaire, j’ai fait des tours de planeur. Le plus souvent avec mon père, mais parfois aussi avec un de ses amis. Faire du planeur est vraiment une expérience exceptionnelle. Il n’y a que le bruit du vent sur les ailes, on plane tout en douceur, parfois accompagnés d’oiseaux qui profitent des mêmes thermiques que nous pour prendre de l’altitude. L’habitacle entièrement vitré nous permet de voir partout autour de nous et les paysages sont magnifiques. Pas de bruit de moteur, pas de vibrations. Juste le souffle du vent et le ciel à perte de vue…

Il y a quelques années, mon père a commencé à piloter des avions à moteur et a fait l’acquisition d’un Cessna avec quelques amis pilotes. Bien entendu, je suis montée à bord! J’ai bien aimé faire un tour d’avion avec mon père, mais je préfère le planeur. Je suis plus nerveuse en Cessna, avec tout le bruit et les vibrations du moteur.

J’ai donc côtoyé le monde de l’aviation depuis que je suis toute petite. Je n’ai pas le vertige et n’ai pas peur d’être dans les airs.

Et pourtant…

Depuis toujours, j’ai une peur bleue de prendre un avion commercial. Ça peut sembler absurde, étant donné mes expériences en planeur et en Cessna, mais je n’y peux rien. C’est une réelle phobie, une peur totalement irrationnelle.

Quand je suis en planeur ou en Cessna avec mon papa, je n’ai pas peur. Je ne me sens pas prisonnière et je sais que si j’en ai assez, je n’ai qu’à le lui dire et que nous pouvons retourner à l’aéroport rapidement. Et il va sans dire que quand c’est mon papa qui pilote, je me sens en totale confiance!

Or, pour l’anxieuse que je suis, me retrouver entourée d’étrangers dans un avion duquel je suis prisonnière pour plusieurs heures est un réel cauchemar. L’idée de remettre ma vie entre les mains de pilotes inconnus était également terrifiante, dans mon esprit.

Pour l’anxieuse que je suis, n’avoir aucun contrôle sur la situation et aucune façon de fuir ou de m’échapper si jamais il arrivait quelque chose m’est insupportable.  Et chaque accident d’avion, crash ou attentat terroriste me confortait dans ma peur et me donnait une raison de plus de penser que je faisais drôlement bien d’éviter les avions commerciaux à tout prix.

La mission de mon père

Ça fait plusieurs années que mon père s’est donné comme mission de me faire perdre cette phobie de prendre l’avion. Jusqu’à cette année, j’étais toujours soit enceinte, soit allaitante, ce qui me donnait d’excellentes excuses pour refuser son invitation.

À Noël, cette année, il est revenu à la charge et m’a offert, comme cadeau… un tour d’avion en sa compagnie pour aller à Toronto. Pourquoi Toronto? Parce que ce n’est qu’un vol d’une heure, dans un avion commercial d’environ 70 passagers, ce qui est juste parfait pour le baptême de l’air d’une phobique. Pas question de m’emmener en Europe pour un premier voyage, ça non, le vol est beaucoup trop long!

Malheureusement pour moi, je ne pouvais plus justifier mon refus d’affronter ma peur à l’aide de mes enfants. Je ne suis pas enceinte et ne le serai plus jamais, et ma petite É., à presque deux ans, peut très bien se passer de moi quelques jours.

Afin d’éviter d’avoir à affronter ma phobie, j’ai d’abord utilisé la tactique du silence, c’est-à-dire que je n’ai plus du tout abordé le sujet avec mon père. Plus les semaines passaient, plus je me disais avec un espoir grandissant qu’il avait peut-être oublié le cadeau qu’il m’avait offert… Jusqu’à ce qu’il m’en reparle au début de mois de mai. Zut, je n’allais peut-être pas m’en tirer, finalement!

Nous avons fixé la date du 31 mai pour un aller-retour à Toronto dans la même journée. Il m’a fait parvenir la confirmation d’achat des billets par courriel pour que je puisse constater que c’était pour vrai de vrai, officiellement confirmé.

Une excuse par jour éloigne l’avion pour toujours?

À partir de ce moment-là, je me suis mis en tête de trouver toutes les excuses inimaginables pour ne pas avoir à prendre l’avion. Je savais bien que mes raisons étaient farfelues, mais je me suis dit que si j’étais assez achalante, mon père finirait par se tanner et ne pas avoir envie de passer toute une journée avec une enquiquineuse.

Chaque jour ou presque, pendant trois semaines, j’ai écrit un texto à mon père avec une excuse pour annuler notre voyage à Toronto. J’ai essayé toutes sortes de stratégies.

J’ai tenté la stratégie du problème médical, en lui faisant croire que j’étais allergique au revêtement des bancs d’avion, ce à quoi il m’a répondu que le matériel utilisé était hypoallergénique.

J’ai essayé la stratégie féminine en lui disant que j’allais avoir mes règles ce jour-là et que c’était fortement déconseillé de prendre l’avion dans ces conditions, ce à quoi il m’a répliqué que le changement de pression pendant le vol était excellent pour soulager les troubles menstruels.

J’ai tenté la stratégie de la superstition en lui disant que j’étais persuadée qu’un avion ayant du blanc me porterait malchance. Le transporteur qu’il a choisi a des avions turquoise…

J’ai essayé le chantage, en lui disant que je ne l’aimais plus, que je le dirais à ma mère et que je boudais. Il est resté inflexible.

J’ai tenté la stratégie du déni, en faisant semblant de ne pas me rappeler que nous avions rendez-vous le 31 mai, mais lui s’en rappelait très bien.

J’ai même essayé la stratégie amoureuse! Alors qu’Alexandre avait laissé son compte de courriels ouvert sur l’ordinateur, un soir, j’en ai profité pour écrire un courriel en son nom à mon père pour lui dire qu’il refusait que j’aille en avion avec lui le 31, puisqu’il est si amoureux de la femme fabuleuse que je suis qu’il ne pouvait se passer de ma délicieuse présence ne serait-ce que pour une journée. Mon père a simplement répondu : « Bien essayé, Julie! » J’ai été démasquée…

Finalement, je me suis bien amusée à essayer de trouver toutes ces excuses ridicules et je savais bien que mes stratégies, bien que très créatives, étaient vouées à l’échec. Néanmoins, pendant que je m’amusais à essayer d’exaspérer mon père (ce qui s’est avéré un autre échec, puisque j’ai surtout réussi à l’amuser!), je ne pensais plus trop à ce qui m’attendait le 31 mai.

Le Jour P, pour Panique, Peur, Pas-envie-d’y-aller!

Puis, arriva le 30 mai. La veille de la date fatidique. Ce soir-là, impossible de trouver le sommeil. J’avais trop peur au lendemain. J’ai réussi à m’endormir aux petites heures du matin seulement.

31 mai, 6h du matin.

Je me réveille en sursaut, totalement détrempée de sueur et tremblant de tout mon corps. Dans ma tête paniquée, une cassette joue en boucle : « J’ai peur j’ai peur j’ai peur je ne veux pas y aller je ne serai pas capable je vais paniquer dans l’avion et me mettre à hurler et à vomir partout je ne suis pas capable j’ai peur j’ai peur j’ai peur! »

Toute ma famille dormait encore. Je me suis levée dans ma maison silencieuse et suis allée sur Internet. Ma sœur Martine, qui a un petit garçon très matinal, était déjà connectée sur Facebook et nous avons clavardé un long moment. Elle a pris l’avion très souvent et a répondu à mes questions et m’a rassurée. Parler avec elle m’a un peu apaisée et j’ai ensuite pu aller me préparer à affronter ma grosse journée.

Je n’ai pas réussi à déjeuner. Je me suis contentée de boire un verre de jus, l’estomac noué par la peur et l’appréhension. Je me sentais triste et résignée. J’avais l’impression de m’en aller à l’abattoir. Le cœur gros et l’air boudeur, je suis partie rejoindre mon père chez lui.

Arrivée chez mon papa, j’étais un peu plus calme, mais je me sentais d’humeur boudeuse. Je lui en voulais un peu de me forcer à faire quelque chose dont je n’avais pas du tout envie. Après tout, pourquoi tenait-il tant à ce que je vainque ma peur de l’avion? Prendre l’avion, ce n’est pas vital! On peut très bien avoir une très belle vie sans jamais prendre l’avion, non?

Dans la voiture, alors que mon père nous conduisait à l’aéroport, j’ai encore tenté de le convaincre de ne pas y aller. On était bien dans son auto, non? Pourquoi ne pas aller à Toronto en voiture, alors? Devant ma mine renfrognée, il s’est contenté de me répondre que j’étais belle quand je boudais… Grrr!

« Madame, nous devons vous fouiller… »

Arrivés à l’aéroport, j’ai espéré de tout mon cœur que notre vol soit annulé, ce qui bien sûr ne fut pas le cas. À la sécurité, alors que mon sac et mon manteau passaient dans la petite machine pour être inspectés, une sonnerie a retenti. Un agent s’est approché de moi et m’a expliqué que j’avais été sélectionnée de façon aléatoire pour une fouille. J’avais le choix entre une fouille à nu ou passer dans le scan! OMG! Je me suis retournée vers mon père, lui demandant s’il avait arrangé tout ça et il m’a répondu, à la fois surpris et trouvant ça très drôle, qu’il n’avait rien à voir là-dedans et que ça ne lui était même jamais arrivé d’être fouillé!

J’ai dit à l’agent de sécurité que c’était mon premier vol, que j’étais terrorisée, et que je préférais ne pas embarquer dans l’avion plutôt que d’être fouillée, finalement. L’agent s’est bien moqué de moi et m’a conseillé de choisir le scan plutôt que la fouille à nu, ce qui me semblait une excellente suggestion, en effet. Je suis donc montée dans le scan, qui a détecté quelque chose à la hauteur de mes côtes, du côté gauche. Retour dans le scan, qui détecte à nouveau la même chose. Une agente féminine s’est donc approchée pour me palper, pour finalement me dire que c’étaient les boutons décoratifs de mon chandail qui faisaient sonner le scan.

Finalement, on m’a laissée passer, et voilà que j’étais plus proche que jamais du moment fatidique où je devrais monter en avion…

L’angoisse de l’attente

Comme nous avions encore un peu de temps à tuer, mon père m’a emmenée dans un salon VIP auquel il avait accès. C’était joli et confortable, et des sandwiches, grignotines et choses à boire y étaient offertes. Mon père s’est servi un lunch. Quant à moi, l’estomac toujours noué et le système nerveux à vif, je me suis contentée de grignoter trois petites carottes et un minuscule bout de chou-fleur, et de boire un peu de jus.

Quand finalement nous sommes allés près de la porte d’embarquement, mon père a demandé à la préposée s’il était possible d’avoir de meilleures places dans l’avion. Comme plusieurs places étaient libres, la dame m’a demandé quels sièges nous conviendraient davantage. Je lui ai répondu que les sièges de la salle d’attente me semblaient tout à fait parfaits et que je n’avais aucun inconvénient à y rester assise toute la journée plutôt que de prendre l’avion. Mon père lui a expliqué que nous étions là pour que j’affronte ma phobie et la dame m’a trouvée très drôle. L’agent de sécurité s’était moqué de moi, puis cette dame… J’étais ridicule, il faut croire, mais vaut mieux en rire qu’en pleurer! Sans blague, elle était très sympathique et m’a beaucoup rassurée. Elle m’a aussi proposé de m’installer sur les ailes, bien attachée avec du « duct tape », afin d’avoir la meilleure vue possible, ce qui m’a bien fait rire, mais que j’ai poliment refusé.

Après quelque temps, il fut l’heure de monter à bord de l’avion. Je ne pouvais plus reculer. Je me suis installée près du hublot et j’ai attendu, attendu, attendu… Je n’avais qu’une idée en tête : que l’avion décolle enfin, pour qu’il atterrisse ensuite au plus vite et que cette expérience soit derrière moi!  Parce qu’une fois rendus à Toronto, je pourrais peut-être réussir à convaincre mon père de revenir en train plutôt qu’en avion…

Prisonnière de l’oiseau de métal

Finalement, l’agente de bord a refermé et verrouillé la porte. Ça y était, j’étais prisonnière, coincée dans ce petit banc, dans un oiseau de métal, à la merci de la compétence des pilotes et de la mécanique de l’appareil. Pas moyen de sortir, pas moyen de fuir.

Je me sentais respirer très vite. Quand les moteurs se sont mis à gronder et les hélices à tourner, j’ai agrippé de mes mains moites et froides les mains chaudes de mon père. Il les a serrées très fort dans les siennes et m’a parlé doucement pour me rassurer.

Je ne me souviens plus trop de ce qui j’ai dit pendant le décollage, mais je me rappelle que je respirais fort, tentant de mon mieux de ne pas paniquer, et que je posais mille et une questions les unes à la suite des autres : « C’est quoi ce bruit? Pourquoi ça fait ça? Est-ce que c’est normal? Pourquoi ça vibre comme ça? Est-ce que tout est correct? Pourquoi ce voyant lumineux s’allume? Est-ce que cette sensation est normale? » Mon père, calme, patient et rassurant, m’expliquait tout au fur et à mesure.

Finalement, une fois rendus dans les nuages, je me suis calmée et j’ai été capable de me concentrer sur autre chose que sur ma peur. Il y a eu quelques turbulences, qui m’ont effrayée un peu, mais j’ai vite compris qu’elles étaient inoffensives quand mon père m’a expliqué ce que c’était. Je craignais d’avoir des étourdissements ou des vertiges en raison de mes séquelles de labyrinthite, mais j’ai été correcte, à mon plus grand soulagement. Je n’ai pas eu mal au cœur non plus.

L’atterrissage s’est bien déroulé et m’a nettement moins effrayée que le décollage. Ça y était, j’étais arrivée saine et sauve à Toronto! J’avais survécu, miracle!

Une belle journée à Toronto!

Mon père et moi avons passé toute la journée à Toronto. Nous avons marché, marché, marché partout à travers la ville pour la visiter. Nous sommes allés manger au Mövenpick, mon estomac s’étant enfin dénoué!

J’avais envie d’aller à l’aquarium Ripley, puisque j’adore les poissons et le monde marin. Je ne suis pas certaine que mon père était aussi enthousiasmé que moi par cette visite, puisqu’il a fait beaucoup de plongée sous-marine et avait vu « en vrai » la plupart de ces poissons dans leur milieu naturel. Mais moi, j’étais fascinée et je m’exclamais comme une enfant devant les requins, les méduses, les hippocampes et toutes ces magnifiques créatures marines. Devant ma fascination, mon père m’a dit qu’il pourrait m’initier à la plongée sous-marine un de ces jours. J’adorerais ça! Je pense que ce sera notre prochain projet ensemble.

Prendre l’avion? Même pas peur!

Notre vol de retour était prévu en soirée. Complètement épuisés de notre journée de marche dans la ville, nous nous sommes rendus à l’avance à l’aéroport, où nous avons pu reposer nos jambes un peu.

Cette fois, je n’étais pas nerveuse du tout. Assise dans un des confortables fauteuils de l’aéroport Billy Bishop, j’ai réalisé que ce n’était plus la première fois que je prenais l’avion. Qu’en fait, ce ne serait plus jamais la première fois! La glace était cassée, ce n’était plus de l’inconnu.

Ma peur était partie. Cette phobie que je trainais depuis si longtemps, à cause de laquelle j’ai toujours pensé que je ne voyagerais jamais, s’était envolée.

Le vol de retour s’est très bien passé. J’ai même mangé une collation dans l’avion, c’est tout dire! Comme lors de mon premier vol, j’ai posé mille et une questions à mon père. Sauf que ce n’étaient plus des questions de panique, c’étaient des questions de curiosité, des questions plus techniques : « Quels sont les rôles des pilotes et copilotes, exactement? Comment se partagent-ils les tâches? Y a-t-il des cartes routières du ciel, est-ce que les pilotes suivent des « routes » déjà tracées? Quelle est la différence entre le travail du contrôle aérien et de la tour de contrôle? Est-ce que tous les pilotes du monde suivent les mêmes formations? » Nous avons parlé tout le long et l’heure de vol m’a semblé passer en un instant.

Une fois atterris à Pierre-Elliott-Trudeau, une joie intense m’a submergée. J’avais réussi! J’avais surmonté ma peur! J’étais tellement fière de moi, tellement contente!

Mon père a demandé à l’agente de bord si nous pouvions rencontrer le commandant. Elle a demandé au pilote, qui a accepté. Une fois tous les passagers sortis de l’avion, nous nous sommes donc rendus dans le cockpit, où j’ai remercié le pilote et le copilote d’avoir contribué à mon baptême de l’air. Au cours de la conversation, le pilote et mon père se sont rendu compte qu’ils avaient des amis pilotes de planeur en commun. Le monde de l’aviation est bien petit!

Victoire! J’ai réussi! K.O., la phobie!

Le 31 mai dernier, j’ai eu toute une journée, remplie d’émotions intenses.

J’ai passé une magnifique journée seule avec mon papa, ce qui ne m’arrive plus très souvent depuis que j’ai des enfants. J’ai vraiment aimé passer du temps avec lui, c’est très précieux pour moi.

Et j’ai vaincu une grande phobie, une peur non rationnelle, inexplicable, mais si puissante que j’étais prête à me passer de voyager toute ma vie plutôt que de l’affronter. Ça fait déjà presque une semaine que j’ai pris l’avion commercial pour la première fois, mais je me sens encore portée par cette fierté d’avoir vaincu cette peur.

Je me sens libre. Je n’ai plus de phobie. Je n’ai plus peur. J’ai l’impression que le monde m’appartient désormais. Je ne suis plus prisonnière de mes pensées anxieuses. Je me sens plus forte.

Je suis fière de moi. Mon père est fier de moi. Ma mère et ma sœur aussi. Mon mari aussi. Mes enfants aussi.

Et je suis fière de ça également : j’ai montré à mes enfants que quelle que soit notre peur, aussi forte et intense puisse-t-elle être, on peut l’affronter et la vaincre.  C’est ça, le modèle que je veux être pour eux : une maman qui fonce, une maman qui n’a pas peur, une maman qui est plus forte que son anxiété et que ses phobies.

Mon père avait raison de me forcer à affronter ma peur. Je pensais être prisonnière en avion, mais lui savait bien que ce dont j’étais prisonnière, c’était de ma peur. Et il m’en a libérée. Avec beaucoup de patience, de calme et de respect. Je suis si heureuse qu’il ait été là pour moi, avec moi. Merci, papa, je t’aime.


Je n’ai jamais pensé que je dirais ce que je vais dire, un jour. Mais aujourd’hui, je peux affirmer ceci : prendre l’avion? Pfff, il n’y a rien là!