Qui suis-je?

mercredi 26 août 2015

Rentrée scolaire : entre hâte et appréhension

C’est un automne assez différent, qui nous attend. Pour la première fois depuis trois ans, j’aurai un enfant scolarisé à l’école. Pour la première fois, j’aurai à la fois un enfant dans le système scolaire et l’autre pas. La semaine prochaine, nous vivrons alors une rentrée et une non-rentrée simultanément!

Grand A., donc, retourne à l’école. Une partie de moi est très excitée par cette rentrée. J’étais bonne à l’école et j’adorais ça, et je retrouve avec plaisir cette frénésie du début des classes à travers mon fils.

Je suis allée acheter ses effets scolaires, ce qui, hormis le montant total de la facture, représente un réel plaisir pour moi. J’aime choisir les cahiers, les crayons, sentir le papier tout neuf des fournitures scolaires, les étiqueter à son nom. J’ai hâte de savoir qui sera son enseignant, quels amis seront dans sa classe, quels manuels ils utiliseront.

De l’autre côté, je suis remplie d’appréhension face à cette rentrée. D’abord, parce que mon fils a été scolarisé à domicile et qu’il est déjà étiqueté comme tel à l’école. Même les membres du personnel et les parents qui ne nous connaissent pas personnellement savent que grand A. n’est pas allé à l’école pendant trois ans. Notre choix éducatif a fait jaser pas mal dans l’école, semble-t-il… J’espère que ça ne lui mettra pas une pression supplémentaire de démontrer qu’il a bel et bien appris quelque chose à la maison!

Les préjugés envers l’école à la maison sont tenaces et ont même réussi à perturber mon grand A., pourtant habituellement si confiant. Il me raconte parfois, quand il revient de chez un ami qui va à l’école, les commentaires qu’il a reçus. Certains de ses amis lui ont dit que leurs parents trouvent que l’école à la maison, ce n’est pas correct et que de toute façon, c’est illégal (ce qui est faux, bien entendu). Il lui est même déjà arrivé de se faire poser des questions-quiz par certains enfants qui ne croyaient pas qu’il pouvait apprendre quelque chose sans aller à l’école, ce qui le rend toujours très nerveux, et avec raison!

A : « Maman, je ne sais pas si ça va bien aller, à l’école. J’ai peur de ne pas savoir autant de choses que les autres… »

Moi : « Mais pourquoi saurais-tu moins de choses que les autres? »

A : « Ben, parce que je ne suis pas allé à l’école! Tsé, les enfants qui vont à l’école, ils passent toutes leurs journées à apprendre des choses. Nous, on ne fait pas du cahier toute la journée! »

Moi : « Non, mais on apprend différemment! On fait des projets, des sorties, plein de choses! Tu as autant appris, mais pas de la même façon. Ça t’inquiète, hein? »

A : « Oui… »

Moi : « Fais-toi confiance, mon coco. Tu es intelligent et tu apprends vite. Bien sûr, tu vivras une période d’adaptation, c’est normal! Il faudra que tu te réhabitues à travailler en classe, avec un prof et tout. Au début, ça se peut que tu trouves ça difficile. Mais tu y arriveras. »

A : « Mais je ne suis pas bon en français… »

Moi : « Personne n’est bon dans tout, dans la vie. Toi, tu es fort en maths et en sciences. Le français, c’est moins ta force. Et alors? Si jamais tu as de la difficulté, on va t’aider, moi, ton enseignant, peut-être l’orthopédagogue. On ne te laissera pas tomber. »

Grand A. a semblé rassuré par notre entretien. Je sais par contre qu’il n’a pas très hâte de devoir être assis à un pupitre toute la journée, après avoir connu la liberté que permet l’école à la maison.

J’espère que tout se passera bien lors de son retour en classe. D’autant plus que l’ambiance ne semble pas des plus réjouissantes dans le milieu scolaire en raison des compressions budgétaires et des moyens de pression des enseignants. J’appuie à 100 % les revendications des enseignants, mais j’espère de tout mon cœur que les enfants ne souffriront pas trop du climat tendu actuel. Et que la qualité de l’éducation offerte à nos enfants ne sera pas compromise (ce dont je doute fortement…)

Quant à grande M., nous entamons sa dernière année de primaire et, si tout se passe comme prévu, sa dernière année d’école à la maison.

Mon objectif cette année est de la préparer le mieux possible pour son entrée au secondaire, l’an prochain. Ça m’angoisse un peu, je ressens une forte pression sur mes épaules d’avoir la responsabilité de son éducation pendant cette période de transition intense entre le primaire et le secondaire. Elle a encore beaucoup de mal à travailler de façon autonome en raison de ses difficultés en français. Sa dyslexie représente un réel défi et elle a une fatigabilité cognitive extrême. Nous avons donc beaucoup de pain sur la planche…

J’espère aussi que les relations avec la direction d’école seront aussi cordiales cette année que l’an passé. Je suis prête à me battre pour faire valoir mes droits, mais sincèrement, je n’en ai pas du tout envie. J’ai plutôt envie de mettre toutes mes énergies sur moi, ma famille et mon couple, pas à lutter contre un système qui ne comprend pas et ne veut pas comprendre le choix éducatif que j’ai fait.


Comment se passe la rentrée, chez vous? Vous ressentez de la hâte ou de l’appréhension?

samedi 22 août 2015

Ma belle vaisselle

Alexandre et moi nous sommes mariés, en 2003, en plein milieu du mois de janvier. Notre thématique était « blanc et argent », comme la neige et la glace, comme le scintillement de la lumière du soleil lors d’une belle journée d’hiver.

Je ne savais pas trop quoi demander comme cadeau de mariage. Nous étions déjà en appartement depuis plus de deux ans et il me semblait avoir tout ce dont nous avions besoin.

Puis, en allant dans un grand magasin, Alexandre et moi nous sommes arrêtés dans le rayon de la porcelaine. Juste par curiosité. Et nous sommes tombés en amour avec un ensemble de vaisselle, blanc avec deux fines lignes d’argent, qui nous ressemblait totalement. Nous avons donc décidé de demander cette magnifique vaisselle en guise de cadeau de mariage.

C’était cher, c’était beau, c’était chic. Mais je me disais que ce serait parfait pour dresser une belle table, lors des grandes occasions. Je me disais aussi que cette vaisselle me rappellerait la magnifique journée de mon mariage, blanche et argentée, chaque fois que je l’utiliserais.

Les années ont passé. Ma belle vaisselle n’a été utilisée que quelques fois. Les grandes occasions ne me semblaient jamais assez exceptionnelles pour sortir ma belle vaisselle. Comme si j’étais gênée, comme si aucun moment, aucun souper entre amis ou avec la famille, aucun événement n’étaient assez grandioses pour la sortir. L’utiliser au quotidien? Je n’y ai même pas pensé! Trop belle, trop précieuse pour moi, ma belle vaisselle!

Au fil du temps, j’ai acquis de la vaisselle pour nos besoins quotidiens de famille nombreuse. De la vaisselle simple, pas chère, solide pour ne pas être cassée trop facilement par les enfants. De la vaisselle que je me suis fait donner aussi, pas très belle, mais gratuite, et qu’il ne me ferait aucune peine d’abimer ou de briser. De la vaisselle ordinaire, quoi.

Pendant ce temps, ma belle vaisselle était bien rangée dans le haut d’une armoire, inutile, accumulant la poussière. J’y pensais quelques fois, lorsque par hasard je la voyais en allant chercher un plat dans la même armoire. Je me demandais bien quoi en faire. À quoi ça me sert, avoir de la vaisselle que je n’utilise pas? Peut-être devais-je la vendre? Elle a une certaine valeur et un petit surplus d’argent ne nous ferait pas de tort.

Finalement, je ne me suis jamais résignée à m’en débarrasser et elle est restée bien sagement rangée, très loin au fond d’une armoire.

Un soir, ma belle-sœur et mon beau-frère sont venus souper à la maison. Ma belle-sœur me parlait de sa passion pour la décoration intérieure, pour le beau, pour la création aussi. Elle me disait qu’elle se donnait le droit, maintenant, d’assumer sa passion pleinement, après s’être oubliée pendant trop longtemps. Elle se donnait le droit de se faire plaisir à elle un petit peu chaque jour.

Ça m’a fait beaucoup réfléchir. Comme je l’envie et l’admire, ma belle-sœur, d’avoir fait tout ce travail sur elle et de se donner le droit de penser à elle!  J’ai toujours cru qu’il serait égoïste de ma part de me faire plaisir, de me donner priorité. J’ai été un peu conditionnée à faire passer les autres avant moi. À être humble, modeste, à ne pas être trop fière de mes réussites. À apprécier le côté pratique et efficace des choses plutôt que le côté beau ou agréable.

Ça m’a fait penser à ma belle vaisselle, que je n’ose pas utiliser, même si je la trouve belle. Trop belle pour juste mon "petit moi de rien". C’est de la vaisselle de reine, je ne la mérite pas!

Moi : « Je trouve formidable que tu t’accordes tous ces petits plaisirs, que tu reconnaisses ton besoin d’être entourée de beau et ton talent pour la déco. Moi, les objets ne m’inspirent rien, me laissent indifférente. Sauf peut-être ma belle vaisselle, que je n’utilise pas… »

Ma belle-sœur : « Pourquoi ne pas la sortir et l’utiliser? Pourquoi ne te permets-tu pas d’avoir de la belle vaisselle, qui te fera penser à ton mariage chaque fois que tu t’en serviras? »

Moi : « Il me semble qu’elle est trop belle pour tous les jours… J’ai le droit de m’en servir? Pour tous les jours? »

Ma belle-sœur : « Mais oui! Elle est à toi! Accorde-toi le droit et le plaisir de manger chaque fois dans de la vaisselle qui te rend heureuse quand tu la vois! Tu as le droit! »

J’ai le droit. J’ai le droit de me faire plaisir, même si ce plaisir est aussi simple et banal que d’utiliser de la vaisselle que j’aime plutôt que ma vaisselle ordinaire et sans intérêt.

Je ne suis pas égoïste de penser à moi. J’ai le droit de me donner priorité, des fois. Des fois souvent, même. C’est très difficile pour moi. Je ne sais même plus ce que j’aime vraiment, moi. Ce qui me définit, qui je suis. Je ne sais plus. Je suis la mère de mes enfants, la femme de mon mari. Moi, juste moi, je ne sais plus trop qui je suis ni ce que j’aime.

Ce soir-là, après le départ de ma belle-sœur, j’ai sorti ma belle vaisselle du fond l’armoire. Je l’ai regardée, enlevé un peu de poussière. Je l’ai trouvée belle. Je me suis rappelé le bonheur que j’ai eu à la magasiner, puis à la recevoir lors de mon mariage blanc et argent.

J’ai sorti de mon armoire la vaisselle que je n’aime pas. Je l’ai rangée là où se trouvait ma belle vaisselle un instant plus tôt.

Puis, j’ai placé ma belle vaisselle à la place de ma vaisselle laide du quotidien, après l’avoir nettoyée. Je me suis surprise à sourire en la regardant. Ça fera une fichue de belle table, de la vaisselle de reine! Même si c’est juste pour manger un sandwich, ça vaut la peine!

Depuis ce jour, à chaque repas, je mange dans ma précieuse vaisselle. J’ai le droit, parce que je suis précieuse, moi aussi. :-)



jeudi 20 août 2015

À la radio!

Ce matin, j'ai participé à une table ronde sur l'école maison à l'émission Medium Large, animée par Patrick Masbourian. Quelle belle expérience, même si j'avais un trac fou en me levant ce matin!

Si vous avez envie de m'entendre, c'est ici!

lundi 17 août 2015

Il y a deux ans...

17 août 2013. 39 semaines de grossesse.

Ce matin-là, vers 8 heures, petit L. vient me tirer de mon sommeil. Mon petit homme est fin prêt à commencer sa journée, mais j’aurais dormi un peu plus longtemps! Avec mon gros ventre, la chaleur et tous mes inconforts de fin de grossesse, je dors si mal…

Sitôt réveillée, j’ai l’étrange impression que mon bébé est beaucoup plus bas que la veille, quand je suis allée au lit. Je le sens dans mon bassin, je me sens lourde.

Je me lève et me rend au salon avec mon petit L. pour écouter des dessins animés avec lui. Je m’assois avec lui sur le divan et c’est là que tout à coup… flouch! Je crève mes eaux!

Je me relève subitement, empoigne la jetée qui était sur le divan et la mets entre mes jambes pour absorber toute l’eau qui s’écoule de mon ventre. Grand A., qui arrive au salon, me regarde avec de grands yeux. Je lui demande de vite aller chercher son père et de lui dire que j’ai crevé mes eaux.

Alexandre surgit en trombe dans le salon : « Ok, on part! ».

Moi : « Attends, je n’ai même pas de contractions! Peut-être qu’on peut attendre un peu avant de partir. »

En réalité, même si c’est mon quatrième accouchement, c’est la première fois que je crève les eaux en tout début de travail. Pour tous mes autres enfants, la poche des eaux s’est rompue au moment de pousser seulement. Je ne sais pas quoi faire!

Mon premier réflexe est de téléphoner à ma sœur, qui a elle-même accouché de son premier enfant deux semaines plus tôt et qui avait crevé ses eaux en début de travail.

Moi : « J’ai crevé mes eaux, mais je n’ai pas encore de contractions. Qu’est-ce que je fais? »

Ma sœur : « Ben, tu t’en vas à l’hôpital! En plus, tu as accouché tellement vite les dernières fois! Allez, pars! »

Je prépare mes choses pour partir, je téléphone à ma mère pour qu’elle vienne s’occuper des enfants, j’appelle mon amie Valérie, qui est aussi mon accompagnante à la naissance, pour lui dire d’aller nous rejoindre à l’hôpital. Alexandre, lui, va chercher la voisine pour qu’elle surveille les enfants en attendant l’arrivée de ma mère.

À 8h20, nous sommes en route! J’ai quelques petites contractions irrégulières et pas trop douloureuses. Je m’incline vers l’arrière sur mon siège, afin que la tête du bébé accote sur le col et empêche le liquide amniotique de s’écouler.

Nous arrivons à l’hôpital vers 8h45. Je commence à me sentir de plus en plus nerveuse. Je vais accoucher, pour vrai de vrai! Et si mon corps ne se souvenait plus comment faire? Et si les choses tournaient mal, cette fois-ci? J’ai hâte d’avoir mon bébé dans les bras. J’ai hâte que ce soit terminé.

Je m’assois sur un banc, devant l’hôpital, pendant qu’Alexandre va stationner la voiture. Je n’ai pas encore beaucoup de contractions. J’en profite pour respirer à fond l’air doux et chaud de ce beau matin d’été. Il fait beau, le soleil réchauffe ma peau. J’essaie de me détendre.

Valérie nous attendait à la maternité. Je suis contente de la voir! Sa présence me rassure. Avec elle et Alexandre à mes côtés, je sais que je vais y arriver. Les infirmières m’accueillent et m’installent dans une salle d’évaluation. Je revêts la jaquette d’hôpital et m’assois en indien sur le lit. Dans cette position, je sens mon bassin bien ouvert et je suis relativement confortable.

Les infirmières me posent des questions, m’examinent et installent le moniteur. Pour l’instant, le moniteur ne me dérange pas, je les laisse donc faire. Par contre, je fais dos à l’appareil qui mesure me contractions et c’est très bien. Je ne veux pas savoir ce que l’appareil mesure. Je veux simplement ressentir ce que mon corps vit et entrer dans ma bulle.

Les contractions sont maintenant de plus en plus fortes et régulières. Elles durent plus longtemps, aussi. Quand une contraction se pointe, j’interromps ma conversation, je fixe un point droit devant moi, je respire et je n’entends plus rien autour de moi. J’ai mal, mais je sais que chaque vague de douleur permet à mon col de s’ouvrir un peu plus. Je me parle mentalement : « La vague arrive. Je suis au sommet de la vague, la douleur va s’estomper bientôt. Mon bébé s’en vient. Tiens bon, bébé. Nous sommes ensemble. Bientôt, tout sera fini et tu seras dans mes bras. Ah, la vague est enfin passée. On a un petit répit jusqu’à la prochaine, bébé. Tout est calme, maintenant ».

À chaque contraction, un flot de liquide coule entre mes jambes. J’entends une des infirmières dire à l’autre : « Le liquide est teinté ». Je m’inquiète. Du méconium dans le liquide? Ça veut dire que le bébé est en détresse! Valérie me rassure : « Il est très peu teinté, ce n’est presque rien. Ne t’inquiète pas, tout va bien. »

Enfin, on me dit que la chambre de naissance est prête. Je peux marcher pour m’y rendre, ce n’est pas très loin. Je marche un peu tout croche, en tenant un piqué entre mes jambes pour ne pas répandre de liquide amniotique  dans le corridor! Ça me fait du bien, de marcher. Je sens mon bébé si bas, si bas!

J’entre dans la chambre de naissance. On m’a donné celle au bout du couloir, dont un mur complet est vitré. Par les immenses fenêtres entre la douce lumière de ce beau matin d’août. C’est la même chambre où j’ai donné naissance à mon grand A.! Je m’y sens bien, je suis rassurée de me retrouver dans ces lieux connus.

Debout, près du lit, je sens soudain une grande pression. Ça pousse! Une bouffée de chaleur m’envahit et j’arrache vivement ma jaquette. J’ai toujours accouché toute nue, je ne supporte aucun vêtement sur mon corps qui travaille si fort pour donner naissance.

Je m’approche du lit et j’y monte, à quatre pattes. Je sens que je ne peux pas m’asseoir. Je reste donc ainsi, à quatre pattes, nue. Je n’ai plus de contractions, mais je n’ai pas non plus envie de pousser. Je ne me sens pas bien. Je déteste la phase de latence, où il ne se passe plus rien, où je ne peux qu’attendre que mon corps soit prêt à passer à la prochaine étape.

Tout à coup, ça pousse. Beaucoup. Très fort! Je veux POUSSER! Alors, je pousse. J’entends vaguement les infirmières s’agiter autour de moi. L’une appelle le médecin, lui donnant un code qui doit vouloir dire : « Arrive au plus vite! ».

Je sens mon bassin s’ouvrir quand le corps de mon bébé y passe. Une seule grosse poussée a été nécessaire pour faire sortir ma petite fille de mon ventre. Ma petite É. a littéralement plongé tête la première dans mon lit… et dans la vie!

Comme je suis à quatre pattes, je ne vois pas mon bébé. Je sais qu’elle est derrière moi, mais je ne suis pas certaine si j’ai fini d’accoucher ou si je dois encore pousser. Je demande sans arrêt : « C’est fini? Est-ce que c’est fini? ». Le médecin, enfin arrivé dans la chambre, me répond : « Ne vous assoyez surtout pas, madame! ». Je comprends que ma petite est toute là, sous moi, et que si je m’assois, je vais l’écraser!

Enfin, quelqu’un prend mon bébé et je peux m’installer dans mon lit. Il est 9h30 et j’ai ma petite puce dans les bras. Je suis folle de joie, Alexandre et Valérie aussi! Ça s’est si bien passé, ça a été si vite encore une fois!

Je prends ma petite fille, nue, et la colle contre ma poitrine, nue elle aussi. Le peau à peau des premiers instants de vie, quel bonheur! Elle cherche mon sein et l’agrippe rapidement. Elle tète goulûment, comme une championne. Si affamée de vivre, si avide de se nourrir de mon lait!

Pendant ce temps, l’infirmière masse mon ventre et le médecin retire le placenta. Nous sommes tous de bonne humeur après cette naissance heureuse et facile. Avant qu’ils ne partent avec le placenta pour en disposer, je demande à le voir. Je l’observe, l’infirmière me montre les différentes parties, le cordon, la poche des eaux. Je remercie mentalement mon placenta d’avoir permis à mon bébé de vivre et de se développer pendant ses neuf mois où il a été dans mon ventre, comme je l’ai fait après chacun de mes accouchements.

Une fois bien installée, les manœuvres et interventions post-accouchement terminées, le médecin et les infirmières quittent, nous laissant seuls dans la chambre avec notre toute nouvelle petite poulette. Valérie nous serre bien fort dans ses bras et quitte, elle aussi.

Nous voilà, Alexandre, petite É. et moi, réunis pour la première fois. Nous avons si hâte d’annoncer la nouvelle de son arrivée à tous nos proches que nous téléphonons à tout le monde!

J’observe ma petite fille, que j’aime depuis si longtemps déjà, mais qui est néanmoins une inconnue. Elle a une petite bouche en cœur. Un menton pointu. Une belle tête ronde et chauve. Elle sent bon.  Elle a une grosse tache de naissance qui s’étend de son front jusque sur ses paupières. Je sais que cette tache, qu’on appelle « le baiser de l’ange », va pâlir avec le temps. L’ange lui a définitivement fait un gros bisou!

J’observe ses petits traits, et je ne lui trouve pas beaucoup de points en commun avec mes autres bébés naissants : « Tu ne ressembles pas à tes frères et sœurs! Qui es-tu, toi? ». J’ai déjà hâte de découvrir sa personnalité, son unicité.

Je suis restée à l’hôpital 24 heures seulement. J’aurais sans doute pu sortir la journée même de mon accouchement, puisque ma petite buvait bien et que j’avais eu un accouchement sans complication. Mais je savais que ce séjour à l’hôpital était le seul moment que je pourrais passer seule à seule, dans le calme, avec ma petite fille. Je savais bien que dès mon retour à la maison, la réalité du quotidien allait reprendre rapidement son cours, avec trois autres enfants dont je devrais m’occuper et qui me solliciteraient constamment. À l’hôpital, malgré les visites fréquentes des infirmières, c’était quand même plus tranquille qu’à la maison. Et je n’avais pas à préparer de repas, à ranger la cuisine, à gérer des enfants…. La paix, quoi!

C’est ainsi que ma petite É. est entrée dans ma vie. Dans le calme et la douceur.  Aujourd’hui, elle est encore calme et douce, ma belle poulette de deux ans! Elle ressemble un peu plus à ses frères et sœurs qu’à sa naissance, surtout à petit L. Elle n’a toujours presque pas de cheveux! Elle est souriante, taquine, affectueuse, presque toujours de bonne humeur.

C’est ma petite dernière et elle le sera toujours. Ma petite cerise sur le sundae!

Je t’aime, petite É.! Bonne fête!