Nous avions un plan pour l’an prochain. En septembre 2015,
grand A. retournerait à l’école selon son souhait. Petit L. et petite É.
iraient à la garderie trois jours par semaine. Je n’aurais donc qu’à enseigner à grande M., qui sera alors en 6e année. Pour tout
dire, ça me semblait un super plan!
Jusqu’à ce que grand A. vienne me parler, l’air préoccupé.
Grand A. : « Maman, j’ai changé d’idée… je ne veux
plus retourner à l’école. »
Moi, déstabilisée : « Vraiment? Mais pourquoi? »
Grand A. : « J’ai réalisé que je voulais juste
retourner à l’école pour les amis. Mais mes amis, à l’école, je ne peux jouer
avec eux que pendant les récrés, c’est juste deux fois 15 minutes! Je peux passer
beaucoup plus de temps avec eux les fins de semaine, les soirs, les journées de
congé, aux scouts. Et j’ai mes amis du groupe d’école maison, aussi. Je n’ai
pas le goût de retourner à l’école parce que je n’ai pas envie d’être assis
toute la journée à un pupitre. Je me suis trompé, maman, je ne veux pas y
retourner ».
Moi : « Ça fait un petit bout que tu penses à ça,
si je comprends bien… Pourquoi ne m’en as-tu pas parlé avant? »
Grand A. : « Je ne sais pas… Tu avais l’air
contente que je retourne à l’école. Je le sais que tu es tannée des fois, de
faire l’école à la maison. »
Moi, un peu bouleversée par ce revirement de situation :
« Mais grand A., tu n’as pas à prendre de décision à cause de moi! Ça me
touche beaucoup que tu te soucies autant de ce que je ressens et de ce que je
veux, mais tu peux me dire ce que tu penses et tu ressens toi aussi. C’est
important que nous soyons tous les deux heureux dans nos plans et projets. »
Grand A. : « Est-ce que je peux continuer l’école
à la maison, alors? »
Moi : « Écoute, je veux qu’on en parle avec papa. Il
faut qu’on réfléchisse bien à ce qui serait le mieux pour tout le monde. Trouves-tu que tu apprends
bien, depuis qu’on fait l'école à la maison? »
Grand A. : « Ben oui, voyons! Tu expliques bien,
maman! Et puis, on fait plein de sorties et d’activités et je trouve que j’apprends
mieux, dans ce temps-là. À cause que c’est intéressant, on dirait que mon
cerveau s’en rappelle plus. Tsé, à l’école, le prof parlait beaucoup, et là, je
tombais dans la lune, et je ne me souvenais pas de tout ce qu’elle disait… »
Moi : « Je vais en parler avec papa et on te revient
là-dessus, d’accord? »
À ce moment-là, je ne savais plus du tout quoi penser. Je
veux continuer l’école à la maison, je crois profondément en ce moyen d’éduquer
mes enfants. Mais de l’autre, je trouve la responsabilité très lourde, parfois,
surtout quand je dois en plus me battre contre la commission scolaire pour
faire valoir mes droits.
Complètement torturée à l’intérieur, je me suis vidé le cœur
auprès d’Alexandre. Et nous avons décidé que grand A. retournerait à l’école,
comme prévu. Au pire, si son retour en classe ne se passait pas bien, nous
pourrions le reprendre à la maison, après tout.
Mais cette prise de décision ne m’a pas apaisée du tout,
même si elle me permettait de conserver mon beau plan original. Mes valeurs, mes besoins et ceux de mon fils
s’entrechoquaient violemment dans mon cœur et mon esprit.
Le lendemain soir, j’en ai longuement rediscuté avec
Alexandre. Je ne savais plus quoi faire. Je n’avais pas envie de renvoyer grand
A. à l’école contre son gré. En même temps, je trouve que faire l’école à la
maison est très exigeant…
Alexandre m’a fait remarquer que, comme par hasard, c’est
lorsque je reçois des appels ou des lettres du directeur d’école que je deviens
stressée à l’extrême et que je remets en question notre projet d’école maison…
Il m’a rappelé à quel point nos enfants se sont épanouis
lorsqu’on les a retirés de l’école. À quel point les contraintes imposées par
le système scolaire nous énervaient.
Il m’a dit de faire confiance à nos enfants, en leur
capacité d’apprendre. De me faire confiance, aussi. Que je suis capable de les
accompagner dans leurs apprentissages; nous les voyons grandir, s’épanouir et
se développer un peu plus chaque jour.
Nous avons donc décidé que grand A. pourra poursuivre la
scolarisation à domicile l’an prochain. Après réflexion, enseigner à mes deux
plus vieux n’est pas plus difficile que d’enseigner à un seul. Ils apprennent
vite et font bien leur travail. Ce que je trouve le plus exigeant, c’est de m’occuper
des plus petits en même temps, puisqu’ils nous interrompent souvent.
Toutefois, la situation s’est déjà améliorée depuis que
petit L. va à la garderie trois jours par semaine. Ça lui fait du bien et ça
nous fait du bien à nous aussi. Petite É. entrera à la garderie les mêmes jours
que son frère en mars. C’est donc dire que ces trois jours, nous pourrons
profiter de l’absence des tout-petits pour faire les travaux et projets qui
demandent le plus de concentration et d’efforts. Ça changera tout!
Sans les petits à la maison ces trois jours par semaine, ça
veut aussi dire que j’aurai un peu plus de temps pour moi également. « Faire
de l’école » ne nous prend pas toute la journée et une fois leurs travaux
faits, les grands peuvent vaquer à leurs activités et projets personnels. Sans
petits à la maison, ça voudra aussi dire que je pourrai, moi aussi, profiter de
ce temps pour mes propres occupations ou pour prendre un peu plus de contrats
de rédaction.
Finalement, toutes ces réflexions et mes discussions avec
Alexandre m’ont forcée à reprendre position et à me reconnecter avec mes
valeurs. C’est difficile de concilier les besoins de tout le monde, dans une
famille, mais je crois que nous parviendrons à trouver un nouvel équilibre.
Ah, cette fameuse recherche d’équilibre… C’est tout un défi!