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dimanche 16 novembre 2014

« Vous n’avez pas d’école, les enfants? »

Faire l’école à la maison, ça veut dire être libre de son horaire. Et ça, c’est formidable. J’adore la liberté et la spontanéité que ce mode de vie nous donne.

Par contre, choisir un type d’éducation marginal, ça attire aussi l’attention. Ce qui parfois rend les sorties avec les enfants de jour, la semaine, un peu plus gênantes…

Aller à l’épicerie ou au centre commercial pendant les heures de classe provoque souvent des réactions plutôt drôles de la part des gens que l’on croise. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu des gens sourire à mes enfants, puis froncer les sourcils, d’un air soucieux et regarder leur montre dans un instant de panique du genre « Merde, est-ce que j’ai oublié d’aller chercher mes enfants à l’école? ». Ils poussent ensuite un soupir de soulagement en constatant que l’école n’est pas finie et finalement, ils nous regardent avec des points d’interrogation plein les yeux.

Souvent, des gens demandent : « Vous n’avez pas d’école, les enfants? », ce à quoi mes enfants répondent qu’ils font l’école à la maison. La plupart du temps, la réaction est positive. Plusieurs trouvent mes enfants très chanceux. Certains, surtout des hommes, se lancent dans une diatribe souvent très émotive sur les mauvais côté du système scolaire. Ça me surprend chaque fois!

D’autres personnes sont plus méfiantes, sur leurs gardes, et font même comme si elles n’avaient pas entendu, ou alors se contentent de hocher la tête et de poursuivre leur chemin.

Mais ce qui me touche à chaque fois, c’est de voir la réaction suscitée quand la personne qui pose la question est une maman qui a un enfant qui éprouve des difficultés à l’école. Et ça arrive tellement souvent, c’est incroyable!

Quand mes enfants lui disent que nous faisons l’école à la maison, la maman me presse de questions : c’est légal? Tu as le droit? Pourquoi tu fais ça? Je lui explique alors rapidement que ma grande M. a des gros troubles d’apprentissage et que le système scolaire ne pouvait pas lui offrir l’aide et le soutien dont elle avait besoin. Alors, les yeux de la maman s’ouvrent bien grand et elle me raconte son histoire, ou plutôt, l’histoire de son enfant. Qui ne va pas bien. Pour qui l’école est un enfer. Pour qui elle essaie de son mieux de se battre pour obtenir des services, bien souvent sans succès.

Je vois dans ses yeux tout son désespoir, sa colère et son impuissance. Parce qu’elle veut mieux pour son enfant, elle ne veut plus qu’il pleure le matin avant d’aller à l’école, que chaque résultat d’examen lui reflète qu’il est poche, qu’il est pourri, qu’il ne comprend rien. Parce qu’elle ne sait plus quoi faire pour l’aider plus, parce qu’elle se sent si petite devant un système si gros, qui ne comprend pas son enfant, qui n’a pas les moyens de l’aider.

Et moi, je l’écoute, je la comprends et je la laisse se vider le cœur. Je me reconnais, dans cette maman, car j’ai déjà eu les yeux remplis d’impuissance et de découragement face aux difficultés de mon enfant, moi aussi.

Puis, cette maman me dit que je suis bonne, que je suis courageuse, qu’elle ne pourrait pas faire la même chose, qu’elle n’en a pas les moyens de toute façon. Et je réponds que les moyens, nous nous les sommes donnés, que je ne suis pas plus courageuse qu’une autre, seulement trop exaspérée par le système scolaire pour faire autrement. Que je ne suis pas particulièrement bonne, non plus, mais pouvais-je faire pire que l’école, de toute façon? Mais que c’est vrai que faire l’école à la maison n’est pas pour tout le monde.

Surtout, je lui dis que je la comprends. Que c’est vrai, que le système scolaire est mal fait pour les enfants en difficultés d’apprentissage, surtout ceux qui ne dérangent pas trop, qui échouent sans avoir de problèmes de comportement, qui sont trop forts pour avoir des services d’aide, mais trop faibles pour réussir en classe régulière. Je lui dis qu’elle fait bien de se battre pour son enfant, que ses efforts en valent la peine, parce que son enfant sait qu’elle est là pour lui, qu’elle est de son bord, et ça, c’est très important.

Ma séance de magasinage ou mon passage rapide à l’épicerie se transforme alors en conversation, en thérapie, presque. Je n’essaie jamais de « convertir » ni de convaincre personne de faire l’école à la maison, je n’en ai aucune envie. Je ne suis porte-parole de rien, d’aucun groupe ni d’aucun mouvement, je n’ai ni philosophie profonde à vendre, ni doctrine à promouvoir. Je suis toujours surprise de voir à quel point ces mamans ont besoin de parler et combien elles se confient à moi, même si elles ne me connaissent pas du tout. Peut-être justement parce que je suis sortie du système scolaire et qu’elles sentent qu’elles n’ont pas à avoir peur de parler ouvertement contre lui devant moi? Je ne sais pas.

Quand une maman, au magasin, me demande « Vos enfants ne vont pas à l’école? » et que je réponds que non, et que cette maman commence à me parler des difficultés de ses enfants, je souris intérieurement. Je vois grand A. qui détache son manteau, enlève sa tuque. Je vois grande M. qui part dans son imaginaire pour faire passer le temps. Je brasse la poussette pour endormir ou faire patienter mes petits. Je sais que ce sera un petit peu long et mes enfants le savent aussi.

Ça m’est encore arrivé cette semaine, avec la propriétaire de la friperie de mon quartier, où je suis allée pour acheter un manteau pour ma petite É. Lorsque nous sommes sortis de la boutique, grand A. me demande : « Maman, pourquoi les gens te posent toujours plein de questions sur l’école à la maison? »

Moi : « Parce que tu sais, c’est rare, les gens qui font comme nous, alors ça attire l’attention et la curiosité »

Grand A. : « Mais pourquoi ils te racontent leur vie? »

Moi : « Parce qu’ils ont besoin de parler de leurs enfants qui ne vont pas bien à l’école et qu’ils trouvent que je suis la bonne personne pour se vider le cœur, je crois »

Grand A. : « La prochaine fois qu’on va magasiner, je m’apporterai des Légo pour passer le temps! »

Il m’a bien fait rire! Mais finalement, mon petit saut rapide à la friperie s’est avéré plus long que prévu. J’aime beaucoup parler avec les gens, mais surtout les écouter. J’ai une formation en travail social et ce n’est pas pour rien.


Mais souvent, je préfère sortir avec les enfants après les heures de classe pour éviter d’attirer les questions et l’attention. Et mon magasinage va beaucoup plus vite comme ça!

4 commentaires:

  1. Depuis que je te lis, je me suis mise à la lecture d'autres mamans qui font l'école à la maison. Il y a de tout. Des mères très organisées, avec plein de ressources et qui écrivent à la perfection. Tu en fais partie pour ce qui est d'écrire bien et sans fautes, pour le reste, je ne sais pas tout eheh! Mais ce qui m'énerve, ce sont celles qui écrivent avec plein de fautes, sans savoir accorder leurs verbes (je ne nommerai personne mais tu sais bien qu'il y en a!) et qui osent enseigner à leurs enfants. Tu me diras que certains professeurs ont des lacunes orthographiques et tu as donc raison. Mais c'est de plus en plus rare (me semble?) et on est en droit de les critiquer et de faire un rapport à leur direction. Tandis que des enfants qui ont pour seul professeur une mère qui a peine à écrire correctement, c'est désolant car on les prive d'une bonne éducation à laquelle ils ont droit.

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    1. Je ne sais pas trop quoi répondre à ton commentaire... Je ne sais pas trop de quelles blogueuses tu parles exactement non plus, celles que je lis n'ont pas un français si catastrophique que ça. Voici néanmoins ce qui me vient en tête en lisant ton commentaire :
      1- J'ai étudié 2 ans et demi en enseignement primaire avant de changer de programme pour étudier en travail social, et d'après ce que j'ai vécu, le bacc en enseignement ne prépare pas très bien à enseigner. Les stages, oui. Les cours théoriques, non. Et un étudiant qui a des lacunes en français avant de commencer ses études en enseignement n'aura pas l'occasion de s'améliorer à l'université. De plus, la qualité du français des enseignants est très très loin d'être parfaite. Des profs qui font plein de fautes, il y en a beaucoup.
      2 - Faire l'école à la maison, c'est aussi apprendre en même temps que ses enfants. Personne n'est parfait, personne n'est bon en tout. Je suis forte en français, mais je déteste les maths. Plusieurs des notions que je dois enseigner en maths à ma fille en 5e année sont très très loin dans ma mémoire. Alors je fais des recherches, je trouve des ouvrages de référence, pose des questions à des personnes meilleures que moi en maths et j'apprends (ou je réapprends). Peut-être que ces mamans qui "osent" (je ne suis vraiment pas à l'aise avec ton bout de phrase qui dit que des mamans "osent" enseigner à leurs enfants, je trouve que ça sonne un peu méprisant) réapprendront ces règles de grammaire et d'orthographe lorsqu'elles devront les enseigner à leurs enfants, et ce serait super pour elles aussi.
      3 - Ceci dit, il est vrai que l'école à la maison n'est pas pour tout le monde et que parfois, je me questionne aussi sur certaines situations que j'ai observées. C'est pourquoi je trouve important que les CS fassent leur travail de jeter un coup d'oeil sur ce que font les familles qui scolarisent leurs enfants à la maison, afin de s'assurer que les enfants vivent une expérience éducative pertinente. Si seulement cette évaluation de la part de la CS était faite de façon juste et respectueuse des familles, ce serait super... Mais là, c'est un tout autre sujet!

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  2. Tu es forte! Tu as toujours de bonnes réponses à mes interrogations et j'aime bien le point de vue d'apprendre en même temps que ses enfants. Encore faut-il être conscient(e) de ses lacunes. Les personnes dont je parle ne sont pas listées dans ta liste de favoris, rassure-toi. Oui, c'est vrai que "ose" était un peu méprisant, tu vois tout, toi, ça doit t'aider dans ton enseignement!

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    1. Héhé, tu me "challenges" souvent avec tes commentaires, chère Femme libre! Tu m'obliges à beaucoup de réflexion pour bien te répondre, mais j'aime bien ça ;-)

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